Être décroissant, quand même…

Et si le décroissant était un emmerdeur maniaque ? Parce qu’à chaque fois qu’il entend ou qu’il lit une nouvelle bonne raison de s’indigner devant les crises qui s’enchaînent, et bien à chaque fois resurgissent la même amertume et la même interrogation.

L’amertume surgit du sentiment d’impuissance devant le formidable rouleau compresseur du régime de croissance à transformer toute sidération en lassitude. Car même dans le monde le plus dépolitisé possible, est-il réellement possible en toute bonne foi d’avoir échappé à la moindre information concernant le dérèglement du climat, la pollution de l’eau, la disparition des espèces naturelles, la fonte des glaciers, l’érosion de la biodiversité, les méfaits des pesticides… ? Même chez Hanouna, on peut en entendre parler (sur le mode de la vanne et du décalé style « gros beauf » post-moderne) !

Et au bout de toutes ces « infos », quelle prise de conscience ? Rien sinon l’habitude d’en être informé.

Et pourtant, il existe un « truc » pour continuer à conserver un espoir comme désir (et non pas croyance) de changement : c’est de retourner la question.

Au lieu de se désespérer en constatant la baisse tendancielle du taux de mobilisation et de se demander pourquoi « les gens » continuent d’adhérer au régime de croissance alors qu’ils sont de plus en plus au courant des dégâts qu’il provoque, ne faut-il pas faire un petit effort d’imagination et renverser la question ?

Et si le monde de la croissance était écologiquement incritiquable, tout simplement peut-être parce qu’on arrivera toujours à repousser les plafonds de ressources, est-ce que je serai quand même en faveur de la décroissance ?

Cette interrogation (contrefactuelle1) que je me pose d’un point de vue écologique, je peux aussi me la poser d’un point de vue politique ou d’un point de vue social. Par exemple, si la 5G avait été décidée démocratiquement, qu’elle ne posait aucun risque sanitaire, qu’elle ne consommait que des ressources inépuisables, qu’il n’existait plus aucune « zone blanche », qu’elle était produite dans des conditions socialement parfaites… est-ce qu’il me resterait encore une raison de préférer un monde sans 5G plutôt qu’avec ?

Quand on trouve une telle raison, c’est une bonne raison de défendre la décroissance, ou plus exactement une sortie du régime de croissance.

Cette interrogation (contrefactuelle) est la question de la vie bonne, de son sens.

Elle demande un effort d’imagination mais à quelle faculté humaine peut-on mieux se confier quand il s’agit de se libérer de l’imaginaire de la croissance ?

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Les notes et références
  1. https://decroissances.ouvaton.org/2021/05/09/contrefactualite/[]

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