La question des articulations entre capitalisme et croissance est difficile et c’est pourquoi elle est souvent esquivée :
- soit sur le mode de la dépolitisation : on va ainsi rencontrer des défenseurs du développement personnel qui vont nous expliquer qu’il ne faut pas tout confondre et que la croissance du bonheur individuel n’a rien à voir avec une critique politique du capitalisme.
- soit sur le mode de l’évidence : il n’est alors fait mention du capitalisme que parce qu’il serait évident que le désir d’accumulation est ce qui fait le lien entre croissance et capitalisme. La référence anthropologique dans ce cas n’est pas le bonheur – comme dans le cas précédent – mais le désir.
C’est en voulant éviter cette double esquive que je me suis lancé depuis plusieurs mois dans une réflexion tant historique que conceptuelle : parce que je crois que l’articulation entre capitalisme et croissance est politiquement déterminante quand il va s’agir de formuler avec précision les rapports – les convergences et les frottements – entre anticapitalisme et décroissance.
D’où ce (très long) texte qui s’appuie sur une (courte) intervention lors des (f)estives d’août 2022 dans les Vosges : la décroissance au-delà de l’anticapitalisme.
La principale satisfaction que j’en retire est de m’être aperçu – sur la fin – que toutes les argumentations que l’on peut faire pour justifier une critique radicale de la croissance devraient reposer sur une clarification : à quels autres termes associons-nous le terme de « croissance » ? Car ce sont ces « proxémies » qui permettent d’illustrer linguistiquement beaucoup du succès de l’imaginaire de la croissance.
Le texte se compose de 4 parties :
- La première s’adresse aux anticapitalistes (militants) qui hésitent à franchir le pas de la décroissance : pour leur rappeler les échecs de l’anticapitalisme (que je qualifie de « tronqué ») ← cette partie ne prétend à aucune originalité.
- La deuxième partie s’adresse aux décroissants qui n’ont pas encore franchi le pas de l’anticapitalisme parce qu’ils ne voient pas bien ce qu’est le capitalisme.
- La troisième partie s’adresse aux décroissants qui se demandent comment articuler la décroissance et le capitalisme : j’ai besoin pour cela de poser un deuxième âge du capitalisme – celui de la consommation – et surtout j’ai besoin de distinguer entre la croissance comme « phénomène » économique (dont la boussole est le PIB) et la croissance comme « régime », ou comme « paradigme », ou comme « monde ».
- Dans la quatrième partie, je m’adresse aux décroissants qui veulent prendre au sérieux cette distinction entre « phénomène » et « régime » et je tente une double recherche à la fois sur ce qu’on peut entendre par « régime » ou « monde », et, in fine, par « croissance ».