Je réponds ici à une interrogation qui m’est envoyée et qui part de ce que j’ai écrit dans « Garder l’équilibre » (http://decroissances.blog.lemonde.fr/?p=235).
A propos de « ta synthèse sur les différents projets, intitulée Garder l’équilibre.
Je suis d’accord avec tes analyses, par contre je ne suis pas sûr de bien comprendre ta stratégie.
Tu écris que tu « ne crois pas qu’il faille entrer en décroissance par la politique ». Cela signifie-t-il que si on part d’un projet concret, on peut ensuite légitiment agir dans le cadre de la politique électorale ? Si cela signifie que la politique électorale, est un choix non judicieux, alors pourquoi penses tu que le MOC doit s’intéresser aux présidentielles de 2012 ? »
Sans répondre vraiment à la question sur 2012 (je crois que 2014 est une échéance plus sensée), je peux préciser en quel sens il peut y avoir réticence vis-à-vis d’une implication naïve dans la politique :
- Je ne dis pas que la décroissance ne doit pas se frotter à la politique
- tout au contraire, la décroissance doit aller à la politique
- non seulement pour porter ces projets, son Faire (revenu d’existence, monnaie locale, coopérative, relocalisation, biens communs…) mais aussi pour y faire vivre ses expressions, son Dire (masse critique, alternative concrète, autogestion généralisée, expérimentation minoritaire, contre-pouvoir, transition-trajet…) : c’est là ce qui construit l’oeuvre de la visibilité.
- mais cette « visibilité » a un prix à payer : la rencontre avec le Pouvoir (http://decroissances.blog.lemonde.fr/tag/pouvoir/)
- C’est là qu’il nous faut imaginer une participation non-électoraliste aux élections, une participation non-manifestiste aux manifestations, une participatation non-grévististe aux grèves, et de même avec les « appels » et les « pétitions »…
- C’est en réfléchissant à cela que je propose de favoriser les entrées dans l’objection de croissance ni par le niveau « individuel » (celui de la simplicité volontaire ; dans lequel le potentiel politique est souvent mis à l’écart et qui frôle souvent le risque de la « communauté terrible ») ni par le niveau « politique » mais par le niveau intermédiaire, celui des associations, des coopératives, des mutuelles.
- Libre ensuite à chacun d’approfondir spirituellement son engagement ou d’oser aller se frotter à la politique.
- C’est cette voie médiane qui – selon moi – ferait des OC les héritiers du socialisme utopique.
- Héritage qui éviterait la répétition folklorique à condition de réussir à décoloniser un imaginaire particulièrement structurant, celui qui intercale le niveau associatif entre le niveau individuel et le niveau politique : à la condition (impensée et absolument pas déconstruite suffisamment chez les OC – pour le moment) idéologique que individu et société sont des « entités » qui se font face.
- [Je compte dire un mot de cette dernière « déconstruction » en conclusion de l’article que je dois écrire pour Entropia – si j’y arrive !]
- Cela ferait aussi des OC les héritiers des situationnistes, héritiers eux-mêmes de ces socialistes utopiques : car il s’agit bien de construire des « contextes de situations » dans lequels la coopération, le partage, la convivialité, la reconnaissance, la décence sont favorisées (plutôt que la compétition, le chacun pour soi, l’agressivité, le mépris, l’indécence).