De quoi manque-t-on en « temps ordinaire » ? De temps.
Mais alors pourquoi, en ce moment où l’obligation de temporiser nous est imposée, l’expérience du confinement est-elle quand même vécue sur le mode de l’aliénation et de la domination ? Parce que, peut nous expliquer Hartmut Rosa, le contraire de l’accélération n’est pas vraiment le ralentissement mais la résonance.
- Nos rythmes de vie peuvent bien ralentir, nous restons en régime totalitaire d’accélération.
- Aliénation d’autant plus renforcée que la « distanciation sociale » est toujours une « distanciation physique », et réciproquement.
- Et puis comment croire qu’à l’époque de l’accélération sociale, ses partisans ne vont pas profiter de cette « pause » pour sauter sur l’aubaine de la « reprise » : pourquoi se priveraient-ils de l’occasion de transformer chaque « crise » en « chaos » ?
Autrement dit, il y a toutes les malchances que le monde d’après ressemble furieusement au monde d’avant : mais en plus rapide, en plus innovant, en plus connecté. Plus de télétravail, plus de politique en court-circuit, plus d’inégalités sociales, plus de libertés pour les entreprises innovantes, le monde du plus mais en pire.
Alors j’ai quand même trouvé le temps de lire et relire les 3 derniers livres d’Hartmut Rosa ; parce que le triptyque aliénation/résonance/indisponibilité constitue l’ossature éthique pour fonder une rupture politique radicale, qui commencerait par assumer qu’il y a des limites dans la mise à disposition du monde.