Un extrait du Dictionnaire de l’autre économie (2006) : dans l’article consacré à la Monnaie sociale (p.461).
En quoi une « monnaie sociale » se démarque de l’organisation monétaire habituelle ?
Ce qui permet, par contrecoup, de bien faire ressortir les caractéristiques du monde habituel, devenues « invisibles », « normales » et « inchangeables » par la force de l’habitude.
Pour l’auteur de l’article, Jérôme Blanc, une monnaie sociale va au-delà d’une simple monnaie locale car elle poursuit 3 objectifs :
- Le premier objectif est de localiser les échanges au sein d’espaces, communautaires ou territoriaux afin de lutter contre la déterritorialisation des activités économiques…
- Le deuxième objectif est de dynamiser les échanges à l’intérieur de ces espaces… Les monnaies sociales refusent ainsi l’accumulation, la conservation et la concentration de la richesse ; elles visent une répartition plus égalitaire de la richesse.
- Le troisième objectif qui permet véritablement de justifier le terme de « monnaies sociales », est de transformer la nature des échanges. Ces dispositifs peuvent chercher à transformer en particulier trois éléments clefs des réprésentations et des pratiques d’échange. Ils peuvent transformer le statut des échangistes en revalorisant les capacités productives des personnes qui ne sont pas valorisés dans le cadre du salariat ou des professions indépendantes. Ils peuvent aussi tranformer la relation établie entre les échangistes en promouvant par la confiance, le développement de relations interpersonnelles, depuis la convivialité jusqu’à l’amitié. Ils peuvent enfin éloigner les échanges des règles marchandes, en établissant des règles différentes de fixation des prix, en définissant ce qui est échangeable et ce qui ne l’est pas.
Il me semble que l’on doit insister sur le triple intérêt de cette présentation des monnaies sociales.
Premier intérêt : la cohérence des 3 objectifs.
- Le premier objectif de relocalisation satisfait à une exigence « verte » de responsabilité écologique et humaine.
- Le deuxième objectif de dynamisation satisfait à une exigence « rouge » de justice sociale et économique.
- Le troisième objectif de transformation satisfait à une exigence « arc-en-ciel » d’humanité.
Deuxième intérêt : transformer les échanges ne suppose pas la transformation préalable (de la nature) des hommes. Y sont seulement transformés les statuts, les relations et les règles.
Du coup, pas de surprise à ce que des « monnaies sociales » puissent échapper à la régle du tout-échangeable. La valeur d’échange, dans ces échanges-là, n’est pas la seule valeur prise en compte : d’où la confiance et l’amitié, valeurs de convivialité.
Pas de surprise non plus à ne pas pouvoir tout échanger : car il y a des choses qui ne s’échangent pas comme « il y a des choses qui ne se font pas » (pour reprendre l’expression de George Orwell quand il veut définir la « décence ordinaire »).
Le dernier intérêt : nous inciter à imaginer les mêmes transformations quand elles portent sur des échanges non monétaires, comme les échanges migratoires ou les échanges linguistiques : quels autres statuts, autres relations et autres règles ?