Oser critiquer l’individualisme généralisé

nyonsJe ne mets ici qu’un extrait de la version écrite de mon intervention à Nyons le vendredi 2 décembre, consacrée à une critique des fables partagées paradoxalement par les adorateurs de la croissance et leur adversaires « alternatifs » déclarés. Le fondement caché de ce paradoxe me semble résider dans un « individualisme philosophique » (pas question de faire de la psychologie). Des discussions m’ont malheureusement rappelé à quel point le travail d’auto-critique est encore souvent mal compris par ceux qui affichent pourtant leur critique du monde actuel, sans que je puisse vraiment me réconforter en me racontant qu’il est toujours bon de déranger les certitudes  bourgeoises.

Au fond des principales fables du productivisme (dont la croissance est le déchet) que sont la fable du troc (pour justifier la marchandisation de la monnaie), la fable de la faiblesse naturelle de l’homme (face à une nature présupposée hostile, l’homme doit s’organiser et s’approprier la nature, depuis Platon, dans le Protagoras, 321 a-c,  l’homme est nu, sans chaussures, ni couverture, ni armes), la fable du travail comme principe de reconnaissance sociale (ce qui justifie la marchandisation de l’activité), se trouve la croyance que l’existence des individus précèderait celle de la société, qui résulterait alors de leur volonté de « faire société ».

Ces fables tournent en fait autour du Progrès (et de l’espoir). C’est pourquoi il n’est finalement pas si étonnant que les « alternatives » cèdent elles aussi à la fable de l’individualisme (c’est-à-dire d’une société comme composition d’individus préalablement séparés), en particulier quand elles ébauchent, plus ou moins explicitement, leur vision de la transformation sociale et écologique (leur Histoire). Il suffit de lire la littérature récente qui fait l’inventaire de ces « alternatives concrètes » (sans parler du film Demain !) pour y retrouver constamment une même séquence : préfiguration → essaimage → bifurcation.

Ce qui nourrit mon scepticisme, sinon mon pessimisme, c’est la puissance de cette fable individualiste qui tend à toujours placer l’individu au point de départ, pour un nouveau départ..

Je m’en suis particulièrement rendu compte à propos des monnaies locales dans lesquelles je suis investi depuis quelques années tant au niveau local qu’au niveau national du réseau des MLCC. Car je me suis aperçu que mon discours critique passe assez mal du côté de ceux qui sont en train de se lancer dans ce genre de projet. Il  y a une sorte d’orgueil à vouloir échouer par soi-même, à partir de sa propre expérience et il y a là certainement l’une des raisons pour lesquelles nos alternatives concrètes échouent à réellement construire d’autres mondes possibles, puisque les « nouveaux » ne veulent jamais apprendre, « recevoir des leçons » des anciens : c’est là l’une des ruses les plus efficaces des Temps modernes, ruse à laquelle cèdent même ceux qui se croient pourtant les plus critiques vis à vis du monde actuel.

Comment ne pas constater l’efficacité de cette « fable du nouveau » : même le parti anticapitaliste veut être « nouveau », sans oublier « nouvelle donne », c’est le monde généralisé de la start-up et des born again.

{aux racines philosophiques des fables de l’individualisme}

Les livres de philosophie qui ont déjà mené cette enquête sont nombreux, je n’en relève (presque) arbitrairement que deux :

  • Alain Renaut, L’ère de l’individu (1989).
  • Alain de Libera, L’invention du sujet moderne, Cours du Collège de France : 2013-2014 (paru en 2015).

Je ne ferai une courte évocation que de trois philosophies qui me semblent avoir été décisives dans cette fondation philosophique d’un sentiment de l’individualité qui débouchera sur l’individualisme qui historiquement rendra ensuite possibles les révolutions politiques, économiques et industrielles évoquées précédemment.

Bien évidemment, je ne peux commencer que par Descartes, en m’arrêtant au seul relevé de ce premier paragraphe de la première des Méditations métaphysiques, méditations de philosophie première dit le titre latin.

  • C’est Descartes lui-même qui désigne sa méditation comme une « entreprise » : « Il me fallait entreprendre sérieusement une fois dans ma vie de me défaire de mes anciennes opinions », « Cette entreprise me semblant être fort grande » consiste à : « Commencer tout de nouveau dès les fondements ».
  • Le débouché de cette entreprise sera l’intuition d’une vérité première par l’affirmation de l’existence indubitable du sujet, c’est-à-dire d’un être qui ne fait pas partie « des choses que l’on peut révoquer en doute », autrement dit dont la nature ne tient pas d’une substance matérielle, qui serait divisible à l’infini, mais d’une substance spirituelle, dont la nature simple signifie qu’elle est indivisible, c’est-à-dire individuelle : faut-il vraiment s’étonner que celui qui fait table rase de tout, pour un nouveau départ, ne puisse commencer que par… lui ?.
  • C’est Leibniz qui poussera le plus loin logiquement cette découverte par la définition du Sujet comme « monade » (1714) dont l’intégration dans le meilleur des mondes possibles se fera par une « harmonie préétablie », qui n’est que le versant politique de ce qu’Adam Smith nomme « Main invisible » (1776) et que Bernard de Mandeville désignait déjà du nom de Fable des abeilles (1714).
  • L’intérêt de cette invention moderne du sujet par Descartes consiste à ne pas oublier de faire le lien entre les différentes thèses cartésiennes : celle du Sujet avec celle des Règles (pour la direction de l’esprit) et de la méthode[1] (ce sont ces procédures qui accomplissent ce que Bernard Stiegler nomme « exosomatisation de l’esprit », dont la déraison computationnelle contemporaine s’appelle « disruption »), mais aussi avec celle d’un plaidoyer en faveur d’une technologie qui pourra rendre l’homme « comme maître et possesseur de la Nature »[2].

Il faudrait aussi montrer comment le nominalisme (flux > stock) de Thomas Hobbes le porte à tracer le portrait d’un Homme toujours inquiet de manquer de quoi désirer sans cesse. Inquiétude qu’il ne peut rassurer qu’en mettant au premier rang de tous les inclinations le désir de Pouvoir : car le « Pouvoir sur » semble seul être en mesure de garantir un perpétuel « pouvoir de ». « Sinon en en acquérant toujours davantage » : voilà la devise du consommateur qui, à défaut de pouvoir politique, se rabat sur le « pouvoir d’achat ».

Il faudrait aussi montrer comment John Locke invente la conscience comme propriété privée d’une personne, sur le modèle  du travail comme fondement légitime de la propriété privée. J’ai une conscience qui me rattache à tout ce qui passe en mon esprit, comme j’ai une propriété qui rattache tous les fruits du travail à celui qui les a produits. Et de la même façon que le champ de l’un s’arrête aux limites du champ du voisin, la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres.

Tous ces auteurs du 17ème siècle, aussi novateurs soient-ils n’en sont pas moins les héritiers de tout une réflexion déjà largement engagée auparavant :

  • C’est Michel Foucault qui défend la thèse que, dès le 16ème siècle, l’homme doit se constituer en sujet religieux pour pouvoir accéder directement, sans médiation (sans clergé), à Dieu.
  • Mais Alain de Libera rappelle que ce rejet de la médiation est déjà à l’œuvre dans la mystique rhénane. C’est Maître Eckhart (1260-1328) qui résout au 14ème siècle une controverse entamée un siècle auparavant pour savoir quelle était la vertu suprême : la magnanimité ou bien l’humilité ? Il affirme que la véritable humilité consiste précisément pour l’âme du converti à rejeter tout intermédiaire.
  • Une telle immédiateté de celui qui prie Dieu provient selon de Libera d’une précédente rupture établie par les franciscains, en particulier Pierre de Jean-Olieu (ou Jean Olivi) (1248-1298) qui en plus d’être le premier à proposer un Traité des contrats était aussi celui qui, contre la tradition aristotélicienne suivant laquelle « l’âme ne peut se connaître que quand elle connaît autre chose », avait affirmé que chacun peut avoir une intuition de lui-même, que chacun se perçoit directement dans chacun de ses actes (bref, que le sujet est bien sujet de l’appropriation, comme l’affirmera explicitement quelques siècles plus tard John Locke : chacun à la capacité de se reconnaître comme l’auteur de ses actes).

{conclusion 1 : échapper enfin à l’individualisme sournois}

Il y a là toute une généalogie philosophique à décortiquer pour celui qui adresserait aujourd’hui à nos politiques le reproche général de manquer de radicalité philosophique. Ne peut-on pas d’ores et déjà faire l’hypothèse que c’est l’évitement systématique d’une telle radicalité philosophique qui est peut-être la véritable explication du désarroi, sinon de la sidération, dans lequel se trouvent aujourd’hui toutes les « gauches » ?

Reprenons la séquence idéologique qui permet de repérer l’individualisme comme racine du monde de la croissance : Croissance ← économie de marché (capitalisme) ← productivisme ← individualisme [« ← » = « présuppose », comme condition nécessaire, et non pas suffisante évidemment].

Ce qui signifie très exactement qu’il y a des productivistes anticapitalistes, comme il y a des antiproductivistes individualistes (des écologistes libéraux-libertaires). Il ne suffit donc pas de se prétendre anticapitaliste pour échapper au productivisme, de même qu’il ne suffit pas de se prétendre antiproductivistes pour échapper à l’individualisme : voilà le fond du problème.

En effet, comment ne pas s’inquiéter de la racine individualiste au fond de l’écologie de certains quand c’est précisément la racine productiviste au fond des anticapitalistes qui a déjà non seulement retardé la sortie du capitalisme mais qui, après que leurs tentatives historiques aient échoué lamentablement, ont renforcé le monde qu’ils prétendaient critiquer ? Quand on applique le même aveuglement à la vague actuelle en faveur des alternatives (qui préfigureraient le monde idéal, pour essaimer, avant de fournir un carrefour où des individus conscients pourraient faire le choix de la bonne bifurcation), comment ne pas un peu s’informer que cette « vague » n’est pas la première dans l’histoire des résistances au monde de la croissance ? Il y a eu auparavant la vague de la première moitié du 19ème siècle (Owen, Fourier, Cabet en sont les figures les plus connues), celle post-mai 68 : à chaque fois, elles n’ont finalement rien transformé, elles ont certes permis à quelques « individus libérés » de faire des « essais et erreurs ». Mais après leur échec, la violence sociale faute de soupape de sécurité a, à chaque fois, débouché sur une exaspération généralisée. Comment ne pas s’en rendre compte, surtout aujourd’hui ??? Comment se contenter de « jouer » aux alternatives quand le monde d’aujourd’hui est d’abord celui de certaines urgences et des effondrements ???

Questionnons alors explicitement l’exigence à laquelle nous sommes arrivés, exigence à laquelle selon nous seuls les amis de la décroissance sont en mesure de fournir une réponse cohérente :

Quels pourraient être les liens intrinsèques entre décroissance et critique de l’individualisme qui justifieraient de placer cette critique au cœur du noyau philosophique  de la décroissance politique ?

J’ébauche un double axe de réponse :

  • La croissance fait une promesse à l’individu (comme être de désirs, plus particulièrement) : celle de lui donner tous les moyens pour être à soi-même la propre source du sens de sa vie : individualisme donc → croissance.
  • La croissance est d’abord celle de l’individu sous l’hypothèse de la perfectibilité humaine : croissance donc individualisme (individualisme ← croissance). La fable du progrès repose avant tout sur la fable de la perfectibilité de l’humain.

La double implication me permet logiquement d’en déduire :

critique (radicale) de la croissance ↔ critique (radicale) de l’individualisme

{conclusion 2 : que faisons-nous des surplus ?}

Il ne s’agit pas de se contenter de rejeter un individualisme de façade, il faut être « radical », aller à la racine et s’apercevoir que presque toutes les fables de la croissance reposent sur une fable commune quant à la nature et la genèse de ce qui fait une organisation sociale : celle selon laquelle l’individu précéderait la société, selon laquelle une société serait d’abord une juxtaposition d’individus. C’est cette critique radicale de l’individualisme qui fera véritablement de la décroissance une philosophie politique, c’est-à-dire une recherche de ce qui fait sens dans une vie humaine. A cette question du sens, les décroissant.e.s choisissent leur camp : défendre une conception de l’organisation sociale dans laquelle la découverte du sens de sa vie n’est pas l’affaire de chaque individu isolé : « Trouver seul le sens de sa vie est une chimère ».

  • « Dans la modernité, la découverte du sens de la vie est l’affaire de chaque individu isolé. Le postulat est que chaque individu a le droit de mobiliser toutes les ressources nécessaires à cette fin. Au niveau de la société, cela se traduit par une exigence non négociable de croissance : seule la croissance peut satisfaire toutes les exigences de tous ces individus ne devant pas être limités », écrivent brillamment G. Kallis, F. Demaria et G. D’Alisa dans leur introduction à Décroissance, Vocabulaire pour une nouvelle ère (2015).
  • Et dans l’Epilogue, cette critique révèle toute sa fécondité. Puisque « même dans une société de sujets frugaux dotée d’un métabolisme réduit, il y aura toujours un excédent, qui devra être dépensé si l’on veut éviter de réactiver la croissance », alors « le binôme sobriété personnelle/dépense sociale doit remplacer le binôme austérité sociale/excès individuel ». Voilà la question politique propre à éviter aux décroissant.e.s toute rechute dans l’individualisme : « Il nous faut réfléchir aux institutions qui seront responsables de la socialisation de la dépense improductive et des manières dont les surplus en circulation seront limités et épuisés ».
  • Une telle critique de l’individualisme mettra la décroissance sur les rails de la critique radicale de la Modernité et de sa philosophie du Sujet (défini en opposition à tout ce qui est Objet – la nature, le non-humain, etc.). Le défi d’une telle critique sera de conserver à la décroissance une visibilité désirable : ce que permet facilement la distinction entre faim, appétit et gourmandise.
  • Non seulement l’individualisme mène logiquement à la croissance mais, réciproquement, la croissance est d’abord celle de l’individu : la religion du Progrès repose sur le postulat de la perfectibilité de l’humain (individuelle comme collective, le passage d’un niveau à l’autre étant assuré par la fable de l’essaimage). Jusqu’à quel point les décroissant.e.s sont-ils déjà capables d’assumer que « l’homme est un être imperfectible » ? Une telle « imperfectibilité » n’interdit pas toute éducation mais en sape toutes les variantes « progressistes ».
  • Critique de l’individualisme par et de la civilisation productiviste par ces naturiens redécouverts par François Jarrige, Grazelle, Zisly, et les anarchistes naturiens contre la civilisation industrielle, Le passager clandestin, 2016.
    • (page 94) : « L’homme est un être imperfectible », commence un certain Aug. Trousset dans Civilisation et naturianisme, (1905) ; et un peu plus loin : « Il est possible dès maintenant de rendre la vie plus douce en la rendant plus simple : en faisant résider le bonheur dans la sécurité de satisfaction des trois besoins primordiaux que sont la nourriture, l’abri et l’amour… en sachant discerner la limite entre l’indispensable et le superflu. En  s’appliquant le plus possible à vivre par soi-même ; en suivant dans la vie matérielle des principes de simplicité… ».
    • (page 100) : Un certain Fouques Jeune consacre un article au Progrès. « Le progrès a donc pour résultat primordial d’absorber tous les instants de l’homme pour subvenir à ses besoins matériels et de ne lui laisser pas un moment pour s’occuper de ses besoins moraux. »

[1] L’apparition des caractères mobiles en imprimerie peut constituer un premier stade d’une grammatisation dont le second sera l’algébrisation de la géométrie par Descartes. Les stades actuels sont ceux de l’algorithmisation, de la numérisation de la vie quotidienne. Dont l’un des aspects les plus effrayants est interprété dans le Monde du 01/12/2016 comme une « israélisation du monde occidental ».

[2] Il s’agit bien de technologie, intermédiaire entre les « divers métiers de nos artisans » et la science (spéculative), d’où le privilège accordée à la médecine.

 

4 commentaires

  1. Votre définition de l’Individualisme est erronée, car vous l’assimilez pèle-mêle au dogme de la Croissance. Pour moi, le productivisme, le consumérisme, le progrès, les valets de la Croissance et du Capitalisme, au contraire, favorisent le conformisme et tuent l’esprit critique. Renseignez-vous: les premières personnes à avoir critiqué la Croissance sont les individualistes libertaires (des mécréants néo-malthusiens en plus). Ces derniers sont les plus farouche opposants de l’anthropocentrisme et du culte du Progrès. Vous faites de l’Individualisme une idéologie bourgeoisie, mais en réalité celui-ci a été dévoyé par la bourgeoisie. L’Individualisme, c’est s’insurger contre tout ce qui exploite, opprime, domine, discrimine l’individu. Si tout le monde était individualiste, il n’y aurait plus de capitalisme, d’État, de dogmes moralisateurs et de préjugés. Il y aurait en revanches des associations libres. C’est la Société qui crée le crime, avec la répression et les inégalités. L’arrivisme bourgeois, que vous assimilez à tort à l’Individualisme, c’est le fait d’écraser autrui pour s’en sortir. Si vous voulez vraiment savoir ce qu’est l’Individualisme, ne lisez pas Nietzsche, mais les philosophes grecs directement et notamment les Sceptiques!!

    1. Author

      Ma définition de l’individualisme n’est pas d’abord « politique » mais d’abord « ontologique » : cette façon de faire permet de mettre « dans le même sac » aussi bien les conceptions bourgeoises que les positions libertaires : des variantes en réalité du libéralisme. Je vois bien que vous n’êtes pas un « socialiste » : moi si ! Mais je vous laisse adhérer aux fables d’un individu qui préexisterait à la société ; c’est cette fable qui permet aux riches de faire sécession (Marx qui avait le sens du bon mot appelait cela une « robinsonnade »). Quant aux philosophes grecs, je veux bien vous accorder qu’il peut y avoir une sorte d’individualisme libertaire chez les sceptiques (attention à l’anachronisme quand même). Nous en avons même aujourd’hui en France un exemplaire, Michel Onfray.
      Précision sur « ma » définition (ontologique) de la société (il faut quand même éviter de juger « erronée » une définition parce qu’on en défend une autre, surtout quand, en tant qu’individualiste assumé, on devrait davantage tolérer le relativisme des opinions !) : je défends une conception coopérativiste de la société et heureusement je ne suis pas le seul ; lire par exemple Mark Hunyadi, François Flahault…).

      1. Je vais m’intéresser aux écrits de Marc Hunyadi et François Flahault: je connais le premier juste de nom!!!Votre point de vue se défend: je suis moi-même décroissant pour des raisons humaines et écologiques, donc nous somme d’accord que le système actuel est destructeur! Votre analyse est plus que pertinente! Lorsque je dis que votre conception de l’individualisme est « erronée », ce n’est pas vous que j’attaque, mais cette définition de l’individualisme que vous présentez est celle qui est vendue par les bourgeois! Cela n’engage que moi, mais j’insiste sur le fait que c’est juste de l’esbroufe. Les « élites » ont l’habitude de reprendre les termes à leur compte pour en dépouiller le sens. Par exemple, vous avez l’emploi du mot « collaborateur » pour désigner des employés, à la fois dans le service public et dans le monde de l’entreprise. Dans ce cas, pourquoi ces « collaborateurs » doivent rendre des comptes à une hiérarchie et travailler pour un salaire ? Moi aussi, je défends une vision coopérativiste de la société, puisque je suis en faveur d’associations libres. De plus, je considère l’individualisme comme le meilleur remède contre toutes les formes de discriminations (racisme, sexisme,…). Vous citez Marx, Onfray se réfère à Proudhon, moi je vous cite Max Stirner, Emile Armand, Han Ryner, Lysander Spooner, Benjamin Tucker, Emma Goldman, etc… Ces auteurs sont intemporels. Je peux comprendre que vous considériez les individualistes libertaires comme des libéraux (farouchement anti-capitalistes tout de même, puisqu’ils critiquent le salariat, les rentes, le productivisme et autres horreurs). Après vous parlez de la Société, vous avez bien compris ma position: je suis plus mécréant que vous, car je considère que la Société est le problème. En défendant la Société (le peuple, la nation, l’État,…) vous adoptez une posture libérale, à la façon d’un Robespierre, d’un Bolivar et d’un Miranda. Vous êtes effectivement plus socialiste que les escrocs d’aujourd’hui qui s’en réclament!!

  2. Bonjour Michel
    Merci de ce beau texte, une thématique évoquée chez Christophe, si je me souviens bien. Le double lien que tu évoques, entre croissance et individualisme, est très intéressant. Qu’on puisse préférer, comme nous le faisons en décroissant.e.s, un humain imparfait à un transhumain, bien sûr : non au perfectionnement de l’espèce. Mais comment articuler ceci avec le nécessaire perfectionnement de l’Etre de chacun (j’évite le mot individu) pendant toute sa vie ? Apprendre, avancer en sagesse, en sérénité, se sentir progresser (Aïe, voilà le progrès maintenant !), vouloir s’améliorer, n’est-ce-pas un beau projet de vie,devenir « quelqu’un de bien » ? Les mots sont tellement entachés de sens dévoyés, qu’on ne sait plus lesquels utiliser ! Donc, sur la place de l’individu dans notre société post croissance, il me reste plein de choses à réfléchir, tant mieux.

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