La décroissance : un nouveau projet politique

L’un des aspects le plus attrayant de ce livre est sa finition bâclée ; bien peu d’efforts de mise en forme – jusqu’à des copiés-collés – mais, au fond, on s’en moque car le contenu est vraiment à la hauteur.

Que de points d’accord ; à chaque page, presque à chaque phrase, lire ce qu’on a envie de lire à propos de la décroissance. Comment cela fait-il ? Parce que sans arrêt, Paul Ariès fait voyager le lecteur sur la crête de la critique et des problèmes posés dans les termes les plus offensants, « offensants comme l’est le malheur et comme le sont tous les bons raisonnements ».
Un point – non pas de désaccord – mais de discussion néanmoins : la question des rapports de la décroissance aux institutions. On peut lire à ce sujet l’intéressante critique de Décroissance ou Barbarie par Clément Homs.

Alors le compte-rendu de ce livre rendra hommage à cette priorité au fond sur la forme en se contentant d’insérer dans la table des matières des extraits les plus courts possibles mais significatifs. Comme autant de pistes pour éclairer une recherche, une critique, une discussion…

Avant-propos

Les idées de la décroissance peuvent constituer le socle d’une alternative globale. (6)

Introduction

Nous ne croyons plus en la possibilité de croiser simplement le « rouge » et le »vert ». (11)

La décroissance constitue beaucoup plus qu’une nécessité environnementale et sociale… La décroissance ne se fera pas dans les marges de la société mais dans ses creux. Nous devons, pour cela, créer les conditions pour que le maximum de citoyens et d’usagers prenne parti pour la décroissance dans l’ensemble des corps sociaux. (10)

1ère partie – Pourquoi faire le procès de la croissance économique

1. Croissance et l’idéologie de la croissance

2. La croissance: un choix volontaire
Il ne peut y avoir de croissance économique que parce que nous acceptons d’être des forçats du travail et de la consommation. (22)

3. La croissance durable: une exception
Nous n’avons pas de leçons à donner aux pays pauvres si ce n’est que notre voie conduit l’humanité à une impasse. (26)

4. Pourquoi sauver le développement

5. Les Objecteurs de croissance sont-ils anticapitalistes ?

2ème partie – La fin du monde ou la fin d’un monde?

1. Un effondrement global
Si une croissance infinie était possible, ce serait à nos yeux une raison de plus de la refuser pour pouvoir rester simplement des humains. (38)

2. Vers un effondrement environnemental
Avec 1% de croissance par an, on a un doublement en 70 ans. Avec une croissance de 2%, on obtient un doublement en 35 ans. Avec une croissance de 3%, on a un doublement en 23 ans. (42)

3. Vers un effondrement social
Les O.C. savent qu’une partie de la solution passe par la redéfinition de nos valeurs et déjà par une autre conception de la richesse. Il ne sera pas possible d’en finir avec les forçats du travail tant qu’ils demeureront des forçats de la consommation et ils le resteront tant qu’ils conserveront la même conception du bonheur. (55)

4. Vers un effondrement politique
Faut-il rappeler également que ce qui relève de la contrainte échappe de fait au politique ? (60)

5. Vers un effondrement de la personne humaine
C’est toute la société qui devient plus violente à travers son mode de vie, ses fantasmes, son idéologie, ce viol de l’intimité qu’elle organise. Flicage généralisé et voyeurisme encouragé cohabitent avec une violence symbolique. (67)

6. Vers un effondrement symbolique
Tout se passe comme si la perte des limites de sens provoquée par la dé-différenciation (sexuelle, générationnelle, etc.) conduisait automatiquement à la recherche nécessaire de limites de fait. Le réel tend alors à remplacer (faussement) le symbolique. (74)

3ème partie – “Kärchériser la croissance” ou le mythe de la croissance propre

1. Le mythe de la croissance propre

2. La croissance propre vue de droite

3. La croissance propre vue de gauche
Les ProNétaires de de Rosnay ne sont en rien les héritiers des prolétaires de Marx puisqu’ils ne sont pas du côté de la rupture et du dissensus mais du compromis. (98)

Les Objecteurs de croissance sont des résistants. Nous aurons donc des adversaires. (108)

4. La décroissance est-elle soluble dans le pacte écologique de Nicolas Hulot

5. Le pacte Allègre contre le pacte Hulot

6. Le Grenelle de l’environnement : OPA inamicale contre “écologie politique

7. Le contre-Grenelle de l’écologie politique

4ème partie La décroissance – naissance d’une alternative politique

1. Au-delà d’un discours anti-économique
Nous nous voulons donc les héritiers des combats passés mais aussi des déchirures qui ont toujours marqué le mouvement révolutionnaire. (153)

2. La décroissance est-elle le bon terme ?
Il y a plus dangereux aujourd’hui que de parler de décroissance, c’est parler de croissance, c’est laisser entendre que le développement durable serait la solution. (158)
La décroissance existe au quotidien dans les multiples formes de protestation et de résistance contre l’inhumanité de ce monde et dans les tentatives de le rendre meilleur… Vouloir s’approprier ces mouvements serait absurde et contreproductif. (164-5)

3. La critique des fausses solutions
Les seules activités qui permettent de débondir sont celles qui prennent du temps (comme faire soi-même son jardin, sa cuisine, manger lentement). (169)
L’économiste Jean-Marie Harribey… fait mine d’ignorer que la croissance n’est pas une économie des besoins mais des désirs et que des décennies de croissance n’ont en rien amélioré la situation des plus pauvres. (172)
Nous ne sommes pas des néo-malthusiens considérant qu’il y a trop d’humains. Il y a d’ailleurs toujours trop d’humains pour ceux qui ne les aiment pas. (172)
Si l’humanité s’achemine ainsi doucement vers sa mort, c’est peut-être simplement parce qu’elle ne trouve plus la volonté (le désir ?) de continuer à exister. (173)

4. Ce que la décroissance n’est pas
Même s’il était avéré que les sociétés féodales étaient des sociétés respectueuses de la nature, nous serions heureux d’en avoir fini avec elles, parce que nous plaçons la question de l’humain bien avant celle de Gaïa. (180)
On complètera l’effet nénuphar de Jacquard par l’effet peau de chagrin… Une décroissance de 1% par an fait économiser 25% en 29ans et 50% en 69ans. Une décroissance de 2% par an fait économiser 50% en 34 ans, 64% en 50 ans et 87% en 100 ans.

5ème partie – Les chantiers de la décroissance

1. En finir avec l’idéologie du progrès
Nous pouvons être partisans en France de la défense des services publics et admettre qu’il puisse exister, en Afrique ou en Asie, d’autres modes de gestion des biens communs, ne serait-ce que par le biais des communautés villageoises. (186)

2. En finir avec la société de consommation

Un adolescent qui achète une casquette avec un logo… ne porte pas un couvre-chef, il consomme une marque. (192)

Les Objecteurs de croissance ne souhaitent pas consommer un peu, beaucoup, passionnément moins, ils souhaitent simplement ne plus consommer du tout. (192)
Il serait peu efficace de dénoncer l’illusion du niveau de vie si nous n’avançons pas dans la réflexion sur les modes et genres de vie. (194)

3. En finir avec la société du travail
Nous préférons payer des chômeurs à ne rien faire que de verser des salaires à des personnes qui produisent des biens nuisibles pour la société. (200)

4. Pour une relocalisation généralisée
Méfions-nous cependant du piège du « localisme » qui pourrait être une façon de recycler une posture anti-politique (tous pourris !), défaitiste (seul niveau où on soit encore acteur) voire une forme de misanthropie inacceptable (chacun pour soi). La re-localisation n’est en rien le narcissisme des petites différences : il s’agit au contraire de penser autrement l’articulation entre l’universel et le particulier. (204)

5. Réapprendre la gratuité

6. Réapprendre la nature
Le futur passe par des retrouvailles avec la nature. Il serait même beaucoup plus juste de parler d’épousailles car il faut tout faire pour que la nature ne reste plus ce désert émotionnel pour les nouveaux humains. (217)

7. Retrouver l’authenticité de la vie
La principale mutation concerne le rapport à l’alimentation : non pas ce que l’on mange mais ce que manger veut dire. (222)
Soyons clairs : boire, c’est savoir boire comme l’enseignaient les Grecs anciens en organisant des libations sans dépasser une légère ivresse. (223)
Un Interdit majeur est toujours créateur de liberté. (225)

8. Réinvestir nos corps
Le jeunisme est une idéologie à combattre par le rappel des vertus propres à l’âge, par la présence de personnes âgées au coeur des familles, au coeur de la société et de l’école. (231)

9. Réinvestir le temps
La vitesse a supprimé la notion de voyage pour celle de déplacement, voire de flux. (234)

10. Réinvestir l’espace
Le philosophe grec Péripathos le disait déjà : on pense au rythme de ses pas. (239)

11. Renouer avec l’autonomie
Faut-il combattre les institutions ? La question des institutions divise les Objecteurs de croissance. La cause en est la confusion entre deux niveaux d’analyse. D’un côté, nous avons besoin d’institutions pour juguler la violence individuelle née du désir insatiable qui habitele sujet et s’exerce par la domination et la rivalité mais aussi par la possession et par l’exploitation. D’un autre côté nous connaissonsl’échec des institutions chargées de vivifier la vie sociale (l’institution scolaire, médicale, sociale, politique, etc.). (241)

12. Resymboliser la société

13. Construire le mouvement pour une décroissance
Nous devons sans cesse, en revanche, éviter deux écueils.

  • Celui de la culpabilisation des autres consommateurs. Nous avons tout à perdre à jouer à « plus décroissant que moi tu meurs ». Non seulement cela ne fait pas avancer la cause mais transforme un acte citoyen en acte religieux estimable mais hors de propos. Nous ne sommes pas de nouveaux Cathares (parfaits). Ne soyons pas victimes de ce sentiment de toute-puissance que nous dénonçons en cherchant à l’imposer à nous-mêmes puis aux autres.
  • Celui d’un jugement moral erroné qui condamne les autres militants. Les Objecteurs de croissance ne sont les premiers ni les seuls humains à mettre leurs actes en conformité avec leurs valeurs. Chacun devrait avoir en mémoire ces syndicalistes ou militants politiques dont la vie professionnelle, sociale ou amoureuse était déterminé par leur engagement collectif. Certains ont payé de la prison leur choix. (252-3)

L’idée que la politique serait devenue impuissante est une farce. (257)

De la même façon que la simplicité volontaire doit être combinée à des formes d’expérimentations collectives, ces dernières doivent être articulées à la construction d’un mouvement politique. (256)

La politique est théâtre pas spectacle. (260)

14. Désobéissance civile ou désobéissance civique ?
La désobéissance est paradoxalement inscrite au coeur de l’obéissance civique dont nous sommes partisans… L’obéissance civique dont nous nous prévalons est celle des républicains des républicains pour qui la république est beaucoup plus affaire d’état d’esprit (le fameux esprit civique) que d’organisation de pouvoirs. (266)
Le risque est d’en revenir aux minorités agissantes dont le grand défaut est de réduire la foule des citoyens à l’état de simples spectateurs… Les partisans de la désobéissance civique n’entendent pas agir par procuration mais bien au contraire susciter une réaction en chaîne. C’est pourquoi le plus bel acte actuel de désobéissance civique serait sans doute de participer à une grève générale de la consommation entendue comme un véritable mouvement social avec des revendications opposées à l’Etat comme l’adoption d’un revenu universel inconditionnel lié à un revenu maximum d’activité… (269)

6ième partie – La décroissance naissance d’un projet politique

1. La décroissance ou la naissance d’un mythe politique?
Nous sommes un certain nombre à ne pas être objecteurs de croissance faute de mieux : même et surtout si une croissance infinie était matériellement possible ce serait, à nos yeux, une raison de plus de la refuser pour pouvoir demeurer simplement des humains. Notre combat n’est donc nullement fondé, en dernière analyse, sur l’épuisement des ressources, ni même sur le réchauffement planétaire, mais sur la certitude que l’ensemble des crises qui affectent l’humanité (et menacent même sa survie) a une seule et unique cause majeure. ces crises s’expliquent par la perte du sens des limites rendue possible et nécessaire par/pour le passage du capitalisme à l’hyper-capitalisme (276)

Contrairement à la situation nord-américaine, les objecteurs de croissance français refusent majoritairement de faire l’impasse sur la construction d’un espace politique. (280)

Que seraient des partisans de la « désobéissance civique » qui refuseraient les lois actuelles sans en appeler à d’autres normes ?

Nous pensons qu’il faudra inventer un nouveau territoire (un nouveau découpage) capable de porter notre projet tout comme l’Ancien régime avait le canton et la province et tout comme la révolution française a dû s’inventer la commune et le département. (317)

Méfions-nous de ce fantasme d’une société réconciliée, de cette vision chère à l’ingénierie sociale. La division est consubstantielle à toute vie en société serait-elle décroissante. (335)

Le parti dont nous avons besoin doit se donner comme premier objectif de devenir un « parti de masse » c’est-à-dire regroupant monsieur et madame tout le monde. (331)

Nous devons nous engager en politique parce que « l’illusion de l’illusion politique » est plus dangereuse que « l’illusion politique ». (338)

Nous devons nous engager en politique parce que nous ne croyons pas au caractère abolissable ou dépassable de la division entre intérêts. Cette thèse interdit de faire de l’appel des consciences une solution. Il ne suffit pas de s’adresser à la bonne volonté des gens et encore moins à leur émotivité. Ce point de vue religieux oublie que l’histoire se fait dans la douleur du négatif à travers des affrontements, des crises. (339)

Comment peut-on croire encore au mythe du travail libérateur ? Pourquoi pas « Moulinex libère la femme » ? (343)

Conclusion – Manifeste: Vers une politique de la gratuité du bon usage

Le bon usage est toujours du domaine du voir, de l’entendre, du toucher, du goûter, du contempler, du penser, de l’aimer, de l’agir alors que le masusage est du registre de l’avoir, du paraître, du vénal. La culture del’usage n’est donc pas seulement celle du nécessaire. ell ene s’oppose pas à la frivolité, bien au contraire, contrairement à toute une tradition de l’extrême gauche, réduite aux « vrais » besoins. Le bon usage c’est aussi fairela fête, c’est-à-dire faire bombance, faire du bruit, mélanger le politique et le commercial, le livre et les merguez. (361)

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