En diverses occasions cet été, j’ai remarqué qu’il semblait exister un consensus dirigé contre les « tunnels ».
J’ai même vu et entendu la même animatrice de débat a) soupirer dès que l’intervenant.e tentait de prendre quelques minutes supplémentaires pour compléter une analyse mais b) ponctuer d’un « cool » toute intervention qui s’abrégeait en punchline.
Pourquoi tant de mépris pour les « tunnels » ? Et si mépris il y a, quel en est le véritable destinataire ? L’intervenant, l’auditoire ou même le sujet ?
- On ne peut pas penser que c’est l’intervenant puisqu’il est l’invité.
- On ne peut pas penser que c’est l’auditoire puisqu’on ne cesse de le solliciter à prendre la parole pour exprimer son opinion.
- On peut encore moins penser que c’est le sujet puisque c’est la raison affichée pour que des gens se déplacent.
Mais derrière ces évidences, on peut quand même faire un peu de mauvais esprit :
- La plupart du temps, l’intervenant.e participe à une « table ronde », à un « débat » pendant lequel il faut que la parole circule ». L’important n’est pas alors ce qui est dit mais que quelque chose soit dit → Faut-il alors s’étonner que dans une table ronde on se contente de tourner en rond ?
- L’auditoire qui s’est déplacé pour une intervention est-il vraiment dans l’incapacité intellectuelle de suivre une analyse un peu fouillée ? → Faut-il vraiment croire que le « tunnel » l’ennuie et qu’il n’attend d’une conférence qu’un temps de distraction ?
- Et surtout quel sujet peut être vraiment posé s’il est d’emblée maltraité au nom d’une urgence à conclure ? → Faut-il vraiment laisser croire que n’importe quel « dernier arrivé » en sait autant que celui qui cherche depuis des années ?
Il y a quand même un cas où ce que je suis en train d’écrire n’est que mauvaise foi : c’est celui où l’intervenant.e est une « personnalité »,
Parce que dans ce cas-là, toutes les injonctions portées par l’horizontalisme sont levées au nom d’une révérence à la notoriété. Mais là encore, comment ne pas constater que l’important n’est toujours pas ce qui est dit, mais qui le dit.
Voilà donc deux dispositifs qui permettent de neutraliser toute intervention dont le contenu pourrait faire réfléchir à ce qui est dit : seule alors est mise en avant la forme, l’affichage…
Mais alors, où la lumière, si ce n’est pas au bout du tunnel ?