Les monnaies libres : ni libres, ni monnaies

Quelles valeurs mettre au centre du monde victorieux de l’hyper-libéralisme ? Economiquement, c’est évidemment l’argent, l’argent sans limites, l’argent pour l’argent, l’argent comme équi-valent « neutre » de la marchandisation généralisée. Idéologiquement, c’est la liberté comme « méta-valeur » qui dispense chacun de se penser au sein d’une vie commune puisque une telle liberté se réduit au « droit naturel de chacun à vivre comme il l’entend »[1]. Faut-il alors s’étonner de voir apparaître une proposition de « monnaie libre »,  fût-elle enrobée des meilleures intentions comme d’être « un outil convivial pour refonder une économie à visage humain »[2] ?

Ma critique générale porte en fait contre le mirage d’une facilitation de tout échange par les technologies de l’électronique (en référence au support) et du numérique (en référence au contenu) : une critique de la dématérialisation.

En amont je fonde cette analyse sur une critique plus générale de la technologie en tant que telle : je prétends qu’entre socialité et technicité le hiatus est inévitable[3]. Pire, dans cette course folle, l’accélération technologique distance imparablement toutes les « adaptations » sociales : les systèmes sociaux auront beau faire, ils arriveront toujours trop tard pour s’emparer des révolutions permanentes de la technique[4].

En aval, alors qu’il faudrait bien sûr analyser les dégâts que la technologie provoque autant dans le langage (échange de paroles) que dans les relations de parenté (non seulement la désintégration de la famille que la confusion entre privé et intimité)[5], je restreins ma critique aux seuls échanges économiques, et plus particulièrement à cette dernière tendance – en particulier dans les monnaies locales complémentaires (MLC) – de s’en remettre au numérique pour résoudre technologiquement des difficultés qui en réalité proviennent des enjeux politiques de ce qu’est une « monnaie »[6].

Dans cet effet de mode – autrement dit dans ce qui est bien la cause réelle de toute transformation dans le monde de la mode-rnité – la voie des « monnaies libres » est paradoxalement la plus cohérente : au moins, elle va jusqu’au bout d’une logique et de ce point de vue, son côté expérimental mérite attention. Cette « logique » menant selon moi imparablement à une impasse sociale, il n’en est pas moins logique que je prétende qu’en fait une « monnaie libre » n’est ni « libre », ni une « monnaie ».

Une monnaie libre n’est pas vraiment libre

Commençons par relever ce que les partisans des monnaies libres entendent par « liberté ».

  • D’une façon assez vague, il y a toujours une allusion au « logiciel libre », qu’en penser ? D’abord, alors que la matière est la condition même de toute vie, comment ne pas voir que toute dématérialisation reposera sur l’illusion que la vraie vie consiste à se libérer des contraintes matérielles ? Ensuite, et moins philosophiquement, la promesse d’une telle liberté ne peut jamais être réellement tenue, tout simplement parce que toute vie vécue se déroule au sein d’une organisation sociale déjà existante : « L’inconvénient est que le modèle économique de développement de ce type de logiciel n’est pas autonome. Une partie des investissements sur ces logiciels libres provient de la vente de logiciels fermés. Par exemple, de grands programmeurs/contributeurs de logiciels libres sont salariés de sociétés commerciales. L’informatique s’oriente donc vers un écosystème composé de logiciels libres et fermés qui se complètent parfaitement »[7]. Dans le même ordre d’opinion, je me souviens avoir entendu un jour une salle applaudir à tout rompre lorsque – à la fin pourtant d’une longue rencontre sur la transition énergétique – quelqu’un a affirmé que « dans une société libre, l’énergie doit être libre » !
  • De façon plus précise, les partisans des monnaies libres se réfèrent pour la plupart à la Théorie Relative de la Monnaie (TRM[8]). On commence par y trouver une définition générale de la « liberté » : « La liberté se définit comme étant un principe symétrique : non-nuisance vis-à-vis de soi-même et d’autrui. » C’est en effet la définition libérale de la liberté[9]: pourquoi pas mais attention dans ce cas à rester cohérent avec ce fondement libéral jusqu’au bout.
  • Cette « liberté comme non-nuisance » se décline ensuite en « axiomes » qui sont autant de « libertés économiques fondamentales » : Liberté de modification démocratique – Liberté d’accès aux ressources – Liberté de production de valeurs –Liberté d’échange « dans la monnaie ».
  • Bien sûr ce sont des « axiomes » mais ce serait quand même pas mal de pouvoir les discuter :
    1. « La liberté du choix du système monétaire (la monnaie ne s’impose pas) » : Si l’on se rappelle que l’on peut distinguer trois types de confiance sur laquelle repose toute monnaie (méthodique, hiérarchique et éthique) alors il paraît difficile, particulièrement pour les confiances hiérarchiques et éthiques de repartir de zéro, car cela revient toujours à repartir de soi, de l’individu. Or jamais aucune société n’a démarré à partir de l’individu : quand nous naissons, la société est toujours déjà-là.
    2. « La liberté d’utilisation des ressources (économiques et monétaires) » : Difficile à l’époque de notre lente prise de conscience des limites écologiques de toute activité sociale de commencer par une telle affirmation, d’abord parce que les ressources économiques ne sont pas illimitées et que, dans ce cas, la liberté accordée à l’un ne peut trouver à se réguler que par la confrontation avec une autre liberté, et cela s’appelle psychologiquement de la « rivalité » et économiquement de la « concurrence ». Pourquoi pas mais attention dans ce cas à rester cohérent jusqu’au bout avec une telle conception agonistique de la vie commune.
    3. « La liberté d’estimation et de production de toute valeur (un principe de relativité économique) » : j’avoue là avoir besoin d’éclaircissements. Côté production, je lis bien que cette monnaie libre est associée à la distribution mensuelle d’un « dividende universel ». Côté estimation, est-ce que cela veut dire que le « prix » sera « libre » au sens où, à chaque transaction, je devrais me demander comment convertir en temps ? Mais alors, cela ne ramène-t-il pas tout échange à un simple marchandage ?
    4. « La liberté d’échanger dans la monnaie (afficher, comptabiliser dans l’unité monétaire choisie) » : c’est cet axiome qui me semble non seulement discutable mais d’emblée contestable.

En effet, cette « monnaie libre », à condition qu’elle produise de la valeur économique, va devoir à un moment se mettre en règle avec les autorités fiscales : « Les entreprises qui récolteront cette monnaie devront ainsi la déclarer dans leur bilan annuel, comme une valeur économique produite. L’État (et les services fiscaux) auront en charge de délivrer un taux de conversion applicable en Euro, pour déterminer la valeur marchande de la monnaie, et ainsi fixer les bases d’imposition. » D’où une double surprise : la première c’est que cette monnaie libre finit bien par redevenir une monnaie complémentaire de l’Euro. La « relativité » n’aura donc duré que le temps des échéances fiscales. Deuxièmement, étant donné que le taux de conversion ne peut pas être connu à l’avance, chacun peut bien alors imaginer que vient de s’ouvrir ici la porte de la… spéculation. Autrement dit, difficile de prétendre, en même temps et sans incohérence, vouloir « réinventer une économie non-spéculative »[10] !

Pour finir sur ce premier aspect, il faut faire remarquer qu’une grande part de l’attrait pour cette version libérale de la liberté repose sur une critique simplifiée de l’État. Comme si tout ce qui n’est pas État était acceptable : c’est là l’antienne des technocrates qui, depuis Saint-Simon[11], croient échapper au despotisme de l’Etat en se jetant dans les bras du « réseau » et de sa décentralisation. C’est Pierre Musso[12] qui récemment a bien montré comment cette utopie technico-scientifique fait en réalité l’impasse sur les conditions réelles de la transformation sociale : La mise en réseau commence par séparer puis prétend fournir une alternative en permettant à chaque individu de se relier. C’est typique de la technique et de sa promesse de progrès : elle provoque en amont un problème puis propose en aval de fournir une solution. Autrement dit, l’imaginaire politique des « monnaies libres » repose d’abord sur une conception erronée de ce qui fait société et par conséquent de ce qu’est une « monnaie ».

Une monnaie libre n’est pas vraiment une monnaie

La dématérialisation portée intrinsèquement par les monnaies libres nourrit toute une série de pas de côté qui ne sont en réalité que des variantes « alternatives » du monde dont elles prétendent se libérer. Je fais l’hypothèse que ce sont ces pas de côté qui expliquent le décalage entre le fondement explicitement libéral et technocratique de la TRM et les intentions explicitement alternatives et écologiques de certains défenseurs des monnaies libres[13].

Dans la TRM, après la définition de la liberté vient celle de la « monnaie » : « Un outil de compte et d’échange ». Il est vrai que c’est là la définition courante la plus reprise. Mais quand par ailleurs on ne cesse de mettre en avant la dimension pédagogique de nos projets de « monnaie autrement », alors il peut y avoir quelque lassitude à constater qu’est ainsi reprise sans critique toujours la même conception de la monnaie sans jamais tenir compte des apports des travaux de Jean-Michel Servet, qui se situe explicitement dans la lignée des analyses de Karl Polanyi.

Au lieu de l’« outil facilitateur des échanges », pourrait au moins être reprise la définition de la monnaie comme « institution sociale » : la monnaie structure le lien social. Ce qui serait déjà un réel premier pas pour échapper à la fable de l’argent comme outil économique socialement neutre. Mais la leçon de Karl Polanyi est plus féconde encore quand elle montre que l’économie de marché doit traiter comme « quasi-marchandises » les facteurs de production que sont la nature, l’activité et la monnaie pour  les « transformer » en propriété privée, en travail et en argent (en vue d’un gain : la rente, le salaire et l’intérêt).

C’est donc avec quelque désolation que nous lisons si souvent dans les présentations des projets de MLC que l’argent aurait été inventé pour résoudre les difficultés du troc généralisé : or il ne s’agit là que de ce que Karl Polanyi a désigné comme « fable du troc ». L’un de ses plus grands dangers est son présupposé anthropologique : les hommes seraient naturellement des êtres producteurs de surplus qu’ils rêveraient spontanément d’aller échanger sur un marché.

Maintenant, il n’est pas illogique que la suite de cette fable sur la nature et l’origine de la monnaie comme outil facilitateur aboutisse aux propositions des monnaies libres : il s’agit d’aller jusqu’au bout d’une logique de dématérialisation, de décentralisation, de désintermédiation. Il n’est pas illogique de retrouver là les valeurs du Web : « Gratuité, immédiateté, profusion et interactivité »[14]. Il n’est pas illogique de s’apercevoir que le seul fondement politique mis en avant soit un appel à la « prise de conscience en tant que consommateurs ou producteurs ».

Les pas à côté de la plaque peuvent alors s’enchaîner dans le halo idéologique diffusé par les monnaies libres : par exemple à propos de la dette. Bien sûr il n’est pas question d’écrire le moindre mot en faveur des « dettes infâmes ». Mais ce n’est pas une raison pour jeter le bébé de la dette avec l’eau du bain salie par un capitalisme au capital de plus en plus fictif[15]. Car il peut y avoir dans la dette un « lien » qui est précisément le lien social, celui que le despotisme[16] technologique n’a de cesse de détricoter. Bien sûr, pas question de justifier la création monétaire par un système de dettes réservé aux banques privées qui n’y cherchent que leurs « intérêts ». Mais rien n’interdit de retrouver le sens « archaïque » de la dette par les « monnaies du lien »[17], celle qui fait obligation d’hériter des générations précédentes. Cela évidemment présuppose de refuser de concevoir la société comme juxtaposition d’individus séparés qui n’acceptent le vivre ensemble qu’à la condition de leur volonté souveraine.  A contrario, les expérimentations monétaires, plutôt que d’alimenter les fables du libéralisme, feraient mieux d’explorer les pistes de ce que pourrait être une « monnaie publique » : en refusant la création monétaire au secteur bancaire et en la réservant à une autorité monétaire contrôlée par le « public »[18]. Voilà comment le rejet précipité de toute dette peut faire passer à côté d’une véritable transformation sociale et écologique.

Cette dernière remarque a pour but de rappeler que le sentiment qui accompagne mes critiques est bien celui de la déception. Quel dommage de partager la conscience des problèmes mais, faute de radicalité (politique), de s’opposer quant aux pistes de solutions. D’accord pour dénoncer ce qu’est devenu dans les temps modernes la monnaie, c’est-à-dire de l’« argent » confisqué par des mafias bancaires qui s’enrichissent en pillant les richesses des générations futures (cela est vrai tant écologiquement que financièrement) : elles ne rêvent que de « liquidités » car il s’agit bien de « liquider » toute résistance sociale.

Plutôt que de choisir de s’enfoncer encore davantage dans cette voie de la liquidation (dématérialiser l’argent pour le pousser vers son état gazeux), ne serait-il pas plus « résistant » d’aller à contre-sens et de s’apercevoir qu’il n’y a qu’un pas pour relier la « solidité » et la « solidarité » ?

 

[1] Jean-Claude Michéa, « Droit libéralisme et vie commune », dans le n°48 de la Revue du MAUSS, Paris, 2016, page 94.

[2] http://www.le-sou.org/accueil/

[3] C’est pourquoi quand les thuriféraires de la technique prétendent qu’elle est censée nous protéger des menaces de la nature et faciliter les relations sociales, je prétends au contraire que l’urgence est plutôt de protéger la nature et la société des menaces de la technique.

[4] Sur l’accélération, on peut se référer aux travaux d’Harmut Rosa. Sur l’impératif d’adaptation, à ceux de Cédric Biagini.  Sur le retard et la folie, à ceux de Bernard Stiegler. Sur la technique comme révolution permanente, à ceux de Günther Anders.

[5] La télévision conserve une dernière utilité en proposant en jet continu des jeux d’humiliation et de coaching qui ne sont que des variantes de la démolition systématique de ce qui devrait normalement faire lien : la décence ordinaire, cette compréhension vécue de ce qui se fait et ne se fait pas.  A contrario, un jeu comme Motus peut apparaître comme une incongruité : mais en même temps, comment ne pas s’apercevoir que seul un jeu portant sur le langage ordinaire peut fournir de vrais moments d’humanité, dans le partage de la joie et de la simplicité.

[6] Sur l’attrait que les pseudo-solutions technologiques exercent sur ceux qui sont dans le déni des enjeux politiques d’une « alternative concrète », je renvoie à ma contribution à la 4ème éditions du livre de Ph. Derudder sur les MLC, à paraître.

[7] https://cupfoundation.wordpress.com/2014/09/26/une-monnaie-libre-pas-libre/

[8] http://trm.creationmonetaire.info/, version 2.178.

[9] John Stuart Mill, De la liberté (1859), traduction française, Paris, 1990. Ruwen Ogien, L’État nous rend-il meilleurs ?, Paris, 2013

[10] http://www.le-sou.org/pourquoi-une-monnaie-libre/

[11] Chacun connaît la formule de cette technocratie selon laquelle il faut « remplacer le gouvernement des hommes par l’administration des choses ».

[12] Pierre Musso, Critique des réseaux, Paris, 2003. http://www.culturemobile.net/system/files/pdf/culturemobile_visions_pierre_musso.pdf

[13] J’essaie d’éviter la solution de facilité qui met tous les libéraux et tous les libertaires dans le même sac.

[14] Cédric Biagini, L’emprise numérique, Montreuil, 2012, page 93.

[15] Jean-Claude Michéa, Notre ennemi, le capital, Paris, 2017, pages 294-295.

[16] La tyrannie est un autoritarisme malveillant alors que le despotisme est un autoritarisme bienveillant. C’est pourquoi le despotisme prétend être « éclairé » quand il veut faire le bonheur des gens (ordinaires) à leur place.

[17] Jean-Michel Servet, Les monnaies du lien, PU de Lyon, Lyon, 2012.

[18] Lire l’article de Mary Mellor, dans Décroissance, Vocabulaire pour une nouvelle ère, 2015, pages 363-367.

10 commentaires

  1. Le but est d’utiliser le MENU à la place des monnaies existantes.
    Si la mise en place se réalise démocratiquement, après avoir convaincu une majorité d’individus, l’État acceptera obligatoirement ce Moyen d’Échanges Numériques Universel qui ne sera pas complémentaire à l’Euro mais le remplacera, comme il remplacera l’ensemble de toutes les monnaies.
    Merci de faire part de vos réflexions.
    Bien cordialement

  2. Quelques ajouts par rapport aux commentaires qui ont déjà été postés.

    « la monnaie structure le lien social »
    Si la TRM ne dit pas cela noir sur blanc, l’une de ses hypothèses est tout de même que la monnaie utilisée influence fortement les comportements individuels (c’est une cause qui a pour effet de structurer le lien social, ni plus ni moins). Mais la manière dont la société s’organise ensuite n’est pas du domaine de la monnaie, et la TRM ne donne donc pas de recommandations sociales puisque ce n’est pas son affaire. Le fabricant de marteaux restreint-il l’usage de son outil à planter des clous? Si la TRM se mettait à errer dans les recommandations sociales, alors effectivement, la monnaie libre ne serait plus une monnaie mais un ensemble de règles sociales et économiques. Ici, la TRM se cantonne bien à l’outil d’échange qu’est une monnaie. Vous pouvez aussi en lire plus à ce sujet dans mon livre sur la monnaie.

    « cela ne ramène-t-il pas tout échange à un simple marchandage ? »
    N’est-ce pas là l’essence même de tout échange, quel qu’il soit ? Le terme a beau être péjoratif, même un don est un marchandage : je ne donne que dans la mesure de mes moyens, et d’autre part cela me procure certaines gratifications en tant qu’individu (le plaisir d’aider autrui, l’impression de « servir à quelque chose, s’attirer la sympathie, etc. voire même dans certains cas induire le sentiment de reconnaissance de dette si ce don n’est pas totalement désintéressé, voire même allègements fiscaux et j’en passe…). Et celui qui reçoit le don est d’ailleurs libre de le refuser (les motifs du refus pouvant être multiples). Et ce quel que soit l’objet ou le service échangé.

    « en la réservant à une autorité monétaire contrôlée par le « public » »
    Cette autorité, même si elle est « contrôlée par le public » (ce qui est loin d’être simple), aura toujours une vision biaisée de l’économie et des valeurs (ce qui finit toujours par défavoriser et favoriser différentes parties de la population, dans les couches sociales, dans l’espace et dans le temps). Ce dont la monnaie libre s’affranchit. C’est justement l’un des fondements principaux de la TRM.

    « la première c’est que cette monnaie libre finit bien par redevenir une monnaie complémentaire de l’Euro »
    Autant que le dollar ou le yuan. Ce qui n’a rien à voir avec une monnaie « indexée sur l’euro » (une unité monétaire = un euro).

    La question « technologique » est aussi intéressante. Je vais y répondre pour commencer par une autre question à laquelle j’aimerais bien que vous répondiez : où démarre la technologie « néfaste » selon vous? Faut-il s’arrêter à l’âge de pierre? Du fer? À l’invention de la poudre à canon? À l’industrialisation du XIXème siècle? À la robotisation du XXème?

    Cette question technologique amène également la réflexion suivante.
    La monnaie libre n’a pas une implémentation numérique « par hasard », et en tout cas certainement pas « parce que c’est la mode ». En effet, c’est la seule implémentation qui peut garantir la décentralisation de la gestion monétaire, ce qui n’est pas un détail au vu de tous les défis que pose la centralisation en général. Ce qui me fait penser que si la monnaie libre ne voit le jour qu’aujourd’hui, c’est peut-être simplement qu’il était impossible de l’implémenter avec les technologies existantes, et par conséquent le concept lui-même ne pouvait même pas être « pensé ».

    Pour terminer, le titre se place clairement dans la logique actuelle de provocation pour attirer des clics de souris, c’est une technique bien en vogue (ce dont on ne peut que se désoler dans la mesure où cela conduit à une spirale de toujours faire plus choquant).

    Vous y affirmez que la monnaie libre n’est pas libre à cause de la fiscalité de l’état. C’est un faux argument : elle est donc bien libre, mais certains facteurs externes restreindraient cette liberté? Ce n’est alors pas un problème de la monnaie elle-même, mais de l’état en question, auquel les individus sont libres de se soumettre ou pas.

    Quant à ne pas être une monnaie, je n’en ai pas vu de démonstration dans votre article qui se perd dans de nombreuses considérations, sans toutefois réfuter le fait qu’il s’agisse bien d’une monnaie (j’ai précédemment réfuté quelques faux arguments), puisque vous convenez qu’elle est bien un intermédiaire d’échange et une unité de compte. Quant aux travaux de Jean-Michel Servet, je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient pas s’appliquer à une monnaie libre. Peut-être seraient ils un peu moins utiles (indispensables?) que dans le système actuel de monnaie-dette, mais c’est un autre débat.
    L’une des réfutations en tant que monnaie que l’on pourrait faire est que beaucoup considèrent qu’une monnaie doit pouvoir être une « réserve de valeur ». Or la TRM réfute la notion même de « réserve de valeur », ce qui clôt l’argument.

    1. Je vous propose de regarder le blog
      https://menu00000.jimdo.com/

      Le but est d’utiliser le MENU à la place des monnaies existantes.
      Si la mise en place se réalise démocratiquement, après avoir convaincu une majorité d’individus, l’État acceptera obligatoirement ce Moyen d’Échanges Numériques Universel qui ne sera pas complémentaire à l’Euro mais le remplacera, comme il remplacera l’ensemble de toutes les monnaies.
      Merci de faire part de vos réflexions.
      Bien cordialement

  3. Quelques ajouts par rapport aux commentaires qui ont déjà été postés.

    « la monnaie structure le lien social »
    Si la TRM ne dit pas cela noir sur blanc, l’une de ses hypothèses est tout de même que la monnaie utilisée influence fortement les comportements individuels (c’est une cause qui a pour effet de structurer le lien social, ni plus ni moins). Mais la manière dont la société s’organise ensuite n’est pas du domaine de la monnaie, et la TRM ne donne donc pas de recommandations sociales puisque ce n’est pas son affaire. Le fabricant de marteaux restreint-il l’usage de son outil à planter des clous? Si la TRM se mettait à errer dans les recommandations sociales, alors effectivement, la monnaie libre ne serait plus une monnaie mais un ensemble de règles sociales et économiques. Ici, la TRM se cantonne bien à l’outil d’échange qu’est une monnaie. Vous pouvez aussi en lire plus à ce sujet dans mon livre sur la monnaie.

    « cela ne ramène-t-il pas tout échange à un simple marchandage ? »
    N’est-ce pas là l’essence même de tout échange, quel qu’il soit ? Le terme a beau être péjoratif, même un don est un marchandage : je ne donne que dans la mesure de mes moyens, et d’autre part cela me procure certaines gratifications en tant qu’individu (le plaisir d’aider autrui, l’impression de « servir à quelque chose, s’attirer la sympathie, etc. voire même dans certains cas induire le sentiment de reconnaissance de dette si ce don n’est pas totalement désintéressé, voire même allègements fiscaux et j’en passe…). Et celui qui reçoit le don est d’ailleurs libre de le refuser (les motifs du refus pouvant être multiples). Et ce quel que soit l’objet ou le service échangé.

    « en la réservant à une autorité monétaire contrôlée par le « public » »
    Cette autorité, même si elle est « contrôlée par le public » (ce qui est loin d’être simple), aura toujours une vision biaisée de l’économie et des valeurs (ce qui finit toujours par défavoriser et favoriser différentes parties de la population, dans les couches sociales, dans l’espace et dans le temps). Ce dont la monnaie libre s’affranchit. C’est justement l’un des fondements principaux de la TRM.

    « la première c’est que cette monnaie libre finit bien par redevenir une monnaie complémentaire de l’Euro »
    Autant que le dollar ou le yuan. Ce qui n’a rien à voir avec une monnaie « indexée sur l’euro » (une unité monétaire = un euro).

    La question « technologique » est aussi intéressante. Je vais y répondre pour commencer par une autre question à laquelle j’aimerais bien que vous répondiez : où démarre la technologie « néfaste » selon vous? Faut-il s’arrêter à l’âge de pierre? Du fer? À l’invention de la poudre à canon? À l’industrialisation du XIXème siècle? À la robotisation du XXème?

    Cette question technologique amène également la réflexion suivante.
    La monnaie libre n’a pas une implémentation numérique « par hasard », et en tout cas certainement pas « parce que c’est la mode ». En effet, c’est la seule implémentation qui peut garantir la décentralisation de la gestion monétaire, ce qui n’est pas un détail au vu de tous les défis que pose la centralisation en général. Ce qui me fait penser que si la monnaie libre ne voit le jour qu’aujourd’hui, c’est peut-être simplement qu’il était impossible de l’implémenter avec les technologies existantes, et par conséquent le concept lui-même ne pouvait même pas être « pensé ».

    Pour terminer, le titre se place clairement dans la logique actuelle de provocation pour attirer des clics de souris, c’est une technique bien en vogue (ce dont on ne peut que se désoler dans la mesure où cela conduit à une spirale de toujours faire plus choquant).

    Vous y affirmez que la monnaie libre n’est pas libre à cause de la fiscalité de l’état. C’est un faux argument : elle est donc bien libre, mais certains facteurs externes restreindraient cette liberté? Ce n’est alors pas un problème de la monnaie elle-même, mais de l’état en question, auquel les individus sont libres de se soumettre ou pas.

    Quant à ne pas être une monnaie, je n’en ai pas vu de démonstration dans votre article qui se perd dans de nombreuses considérations, sans toutefois réfuter le fait qu’il s’agisse bien d’une monnaie (j’ai précédemment réfuté quelques faux arguments), puisque vous convenez qu’elle est bien un intermédiaire d’échange et une unité de compte. Quant aux travaux de Jean-Michel Servet, je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient pas s’appliquer à une monnaie libre. Peut-être seraient ils un peu moins utiles (indispensables?) que dans le système actuel de monnaie-dette, mais c’est un autre débat.
    L’une des réfutations en tant que monnaie que l’on pourrait faire est que beaucoup considèrent qu’une monnaie doit pouvoir être une « réserve de valeur ». Or la TRM réfute la notion même de « réserve de valeur », ce qui clôt l’argument.

  4. La création monétaire depuis 250 ans est fondée sur le principe de l’émission d’un crédit validé simultanément par une reconnaissance de dette…
    Cette dette se compose d’un capital à rembourser en intérêt ainsi que l’intérêt composé qui nécessite l’émission d’un nouveau crédit par quelqu’un ,quelque part….

    L’émetteur banque s’acquitte d’une somme au prés de la banque centrale appelée « réserve fractionnaire » allant de 10%à beaucoup moins selon le pays,elle peut créer autant de crédits avec à chaque fois une reserve de 10% sur le solde restant du crédit initial pour un nouveau client

    Il est facile de comprendre à ce stade que cette création monétaire est parfaitement assymétrique puisqu’elle pénalise deux fois l’emprunteur qu’il soit public ou privé

    A ce stade ,en France depuis 1973 l’endettement explose sous l’effet de cet intérêt composé ,tout cela est considéré comme normal

    Ensuite la part de l’économie spéculative sur les marchés correspond à 98% et l’économie réelle d’échange de bien et de service seulement 2%….
    Cela signifie qu’il y a deux mondes qui cohabitent avec des moyens d’accès à la monnaie parfaitement disproportionnés, tout cela est considéré comme normal..

    Comme la monnaie est crée « ex nihilo » par le crédit ,il faut donc une croissance permanente,notamment pour rembourser les intérêts d’emprunt aux banques privées car dans ce mécanisme, le remboursement est permanent et la monnaie en question est détruite!

    Nous somme toujours devant une création artificielle de la rareté de la monnaie d’une part et surtout le besoin de liquidité de la monnaie « spéculative » augmente sans cesse dans une économie de marché qui fonctionne à court terme.
    Le capitalisme de production s’est transformé sous les effets de la mondialisation en une guerre économique permanente ou la notion de croissance directement liée à la productivité est devenu à la fois obsessionnel et insoutenable qui s’accompagne d’une optimisation fiscale non contrôlée des grands groupes

    Le monde de la finance s’ingénie à la création de produits spéculatifs « nocifs » , dangereux ,subprime,swaps qui nourrissent ces circuits exclusivement.

    Depuis Aristote ,la monnaie à trois fonctions: l’échange,unité de compte et réserve de valeur, aujourd’hui c’est ce dernier point qui prend le pas sut tout autre considération dans une proportion invraissemblable !

    Les règles de création monétaire fondamentales ne changent pas et lorsqu’il n’y a pas de croissance la monnaie se raréfie,les PME sont touchées car elles vivent de l’économie réelle, les grands groupes financiarisés surfent sur les marchés avec leur trésorerie!

    A ce stade ,il apparaît évident que le salut peut venir d’une mutualisation des ressources de financement en trésorerie des PME avec les exemples de création de réseaux interentreprises suffisamment important.

    Je passe l’étape des MLCC qui se confirment comme une remarquable initiative citoyenne éducative dans la notion de développement du lien social mais avec un impact insuffisant à ce jour d’un point de vue économique.

    Peuvent elles atteindre une taille critique ,par région et permettre un auto financement de salariés?
    l’utilisation de ces monnaies par les collectivités territoriales va t il se développer?

    La gestion du volume de transactions citoyennes au niveau des entreprises nécessite un salariat de coordination proportionnel à la taille de ces monnaies qui devraient probablement devenir « régionales »à l’instar de l’Allemagne ou de l’italie

    Le militantisme peut s’essouffler et le renouvellement de l’animation est un facteur permanent…

    Les années trente furent prolifiques dans l’apparition des monnaies complémentaires,le Wir( chambre de compensation) est un exemple tout comme le SARDEX aujourd’hui en Sardaigne, pourvu que ces monnaies de réseaux soient convertibles pour les salariés .
    La création monétaire dans une société durable n’a pas d’autre choix de combiner le bien commun en préservant la liberté d’entreprendre des petites structures l’ orthodoxie financière ne se soucie pas de ces question, elle considère que la monnaie est neutre…

    Les monnaies libres semblent suivre naturellement l’évolution des possibilités technologiques, c’est à dire une dématérialisation intégrale des moyens de paiement.

    Sont elles véritablement libres dans la mesure ou l’échéance fiscale déterminent leur valeur au bilan financier annuel des entreprises vs la monnaie officielle?

    L’ACPR décide de la validité de leur existence et des conditions d’utilisation…

    Sont elles véritablement libres ou simplement complémentaires…

    En tout état de cause une véritable biodiversité monétaire est à considérer comme l’imagine Bernard Lietaer…

    Raymond Lerat

  5. Bonjour, voici ma critique sur votre article
    En espérant pouvoir échanger avec vous par la suite

     » il y a toujours une allusion au « logiciel libre », qu’en penser ?

    la monnaie actuelle fonctionne avec des logiciel.
    la monnaie libre aussi, on peut le faire avec du papier c’est juste plus contraignant

    « 1.« La liberté du choix  »
    On ne part pas de zéro, on construit un système en parallele à l’atuelle, le BTC est parti de zéro

    « 3 La liberté d’estimation et de production de toute valeur  »

    Tu est libre de faire les prix que l’on désire, en aucun cas on parle de temps ici

    « va devoir à un moment se mettre en règle avec les autorités fiscales va devoir à un moment se mettre en règle avec les autorités fiscales  »

    Pourquoi ? si l’état veux acheter un DU (dividende universel) en euro il le peut, l’état est libre d’accepter ou
    non cette monnaie. Si demain on fait que du DON l’état va devoir convertir le DON en euro ? le taux de change actuelle
    USD – EUR est de 0,83 centime rien ne t’empêche de le convertir à 1 ou 0,10 ct

    « s’ouvrir ici la porte de la… spéculation. »
    Avez vous étudier la TRM ? spéculer sur la monnaie libre est possible mais tout aussi idiot que d’échanger 1 USD vs 2 EUR

    « l’économie de marché doit traiter  »
    Ne dois t’on pas quitter cette économie de marché basé sur la demande perçue plutôt que sur la demande rééle ?

     » « fable du troc »  »
    Effectivement le troc est une fable inventé par Adam smith, La double coeicidence des échanges sont trop rares pour
    en faire une économie. L’histoire de la monnaie à plutôt était d’abord la monnaie virtuelle ( voir les tablette d’argile de mésopotamie)
    puis la monnaie métalique et apparu bien plus tard et leur usage s’est diffusé inégalement, sans jamais remplacer entièrement
    les sxstèmes d ecrédit. Quant au troc, c’est un « sous-produit » de l’usage des pièces de monnaie.

     » Gratuité, immédiateté, profusion et interactivité  »

    Immédiateté ? avez un compte un monnaie libre ? ça me semble pas si immédiat que cela d’acquérire des junes.

    « la réservant à une autorité monétaire contrôlée par le « public » »

    Pourquoi ce compliqué cette tache et ne pas simplement laisser tout en chacun créé de la monnaie.
    Chaque banque commercial le font, pourquoi pas chaque citoyen ?

    « ce qu’est devenu dans les temps modernes la monnaie, c’est-à-dire de l’« argent » confisqué par des mafias bancaires »

    Vous pouvez me citez une période de l’humanité ou l’argent n’était pas confisqué par une mafia ? les rapports entre
    riches et pauvres à toujours été de l’ordre de 80%-20% et + aujourd’hui. Une époque ou c’était plus équitable ?

  6. La théorie relative de la monnaie est dans un sens (en tout cas, ce que j’en ai compris) une critique de la valeur apportée à un bien matériel (valeur de référence). La dématérialisation permet entre autre d’éliminer certaines asymétries dans la production, puis la répartition de la monnaie.

    Une monnaie libre répond essentiellement à cette problématique : le pouvoir politique n’est plus maitre de la répartition des valeurs. Tout individu, par son existence, produit de la valeur.

    La TRM ne prétend pas dicter les comportement sociaux et, pour avoir discuter avec certains de leurs apôtres, les notions de concurrences, d’impôts, de contribution, de libéralisme sont abordées comme tout débat politique. Il n’y a pas de reniement d’une dette : je peux très bien prêter un certain montant avec intéressement.

    De même, la liberté d’utilisation des ressources n’est pas forcément synonyme de concurrence. Bien sûr, si je suis libre d’utiliser une l’eau d’une source, vous l’êtes tout autant que moi : hors de question donc de monopoliser son accès. Et donc bien sûr, il faut une régulation, un État qui saura protéger ces libertés.

    Voici mon point de vue : une monnaie libre est un outil d’échange neutre; la société peut lui donner un sens social. Et donc je vous rejoins sur ce point : « Quel dommage de partager la conscience des problèmes mais, faute de radicalité (politique), de s’opposer quant aux pistes de solutions »

    1. Author

      C’est là que la discussion est vraiment difficile car ce que je défends est peut-être trop radical dans la déconstruction : je ne crois pas qu’il puisse exister un « outil d’échange neutre ».

      D’abord parce que je ne crois pas qu’un outil puisse être « neutre » : qu’il soit monétaire ou non ne change rien à l’affaire.
      Ensuite parce qu’aucun échange monétaire ne peut se faire par un « moyen » (médiation) neutre : car l’échange est déjà un cadre construit, une « construction sociale » → Pas question donc d’y ajouter « ensuite » du lien social comme on pourrait ajouter de l’écriture sur une page blanche.

  7. Merci pour cet article et point de vue.

    Vous finissez par « ne serait-il pas plus « résistant » d’aller à contre-sens et de s’apercevoir qu’il n’y a qu’un pas pour relier la « solidité » et la « solidarité » ? »

    lequel ? 🙂

    bien cordialement

    1. Author

      Ma critique négative contre les « monnaies libres » alimente aussi ma critique des MLCC qui devant les difficultés à trouver des utilisateurs et à ouvrir le cercle restreint de l’entre-soi militant, se réfugient soit dans la mythologie d’une « transition qui vient », soit dans la technicité de la com’ et de la numérisation.
      A contrario de toutes ces impasses, je fais encore le pari que les expérimentations de MLCC peuvent trouver leur « sens » dans l’exploration des « monnaies du lien », c’est-à-dire dans la mutualisation des dettes et des pertes : pas question de croire que les MLCC vont dynamiser l’économie locale, mais gardons l’espoir qu’elles peuvent créer des liens, par et dans le partage des pertes (tout le contraire de l’individualisation des gains) : bref, par et dans la construction du Commun.

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