Le trajet de l’escargot

Il est fondamental pour l’objection de croissance en politique de lier le chemin et le but, le trajet et le projet, la méthode et le contenu : la stratégie de la transformation et la décroissance ; pour adopter une stratégie de l’escargot : le trajet de l’escargot.

  • D’une part, la stratégie de la révolution lente ne semble cohérente qu’à partir de la décroissance : car la sortie sans tarder du capitalisme passe précisément par des initiatives d’alternatives décroissantes. A quoi cela servirait-il d’aller lentement si les initiatives prises ne vont pas dans le sens de la décroissance des inégalités, de la décroissance de l’empreinte écologique, dans le sens de la croissance de la dignité et de la reconnaissance ? A quoi cela servirait-il de prôner la lenteur si les utopies sont renvoyées, une fois de plus, au lendemain : les uto-pistes, c’est tout de suite, sans attendre, sans illusion.
  • La révolution lente doit commencer sans délai, sans attendre par les alternatives concrètes et les expérimentations sociales minoritaires.

 

  • D’autre part (et réciproquement), la stratégie politique de la décroissance ne peut être qu’une stratégie de transformation, la stratégie lente du refus de la prise de pouvoir comme préalable : car si le pouvoir doit être pris au préalable, ce serait pour imposer d’en haut la décroissance ; ce qui serait absolument incompatible avec la revendication de liberté, de choix, de responsabilité qui au cœur du projet politique de la décroissance.
  • Les alternatives concrètes et les expérimentations sociales doivent se définir comme des ruptures lentes, des trajets – situés entre le rejet du capitalisme et le projet d’une société libérée de la croissance – qui pratiquent à l’intérieur de  leurs auto-organisations ce qu’elles prônent à l’extérieur : le refus de la prise préalable du pouvoir et la mise en place de contre-pouvoirs.

 

Il faut donc lier ensemble le contenu (le « nouveau paradigme ») et le chemin (la « politique autrement ») ; ou pour l’écrire vite : la « décroissance » et la « révolution lente ». Car l’un ne peut pas aller sans l’autre : on ne devrait pas les découpler, ni idéologiquement ni politiquement.

  • Pas de « décroissance » sans révolution lente : les OC devraient  adopter une visibilité claire par rapport à tous ceux qui croient que la décroissance peut être une rubrique dans le programme d’un parti/mouvement à la stratégie politique classique. Et aussi à ceux qui croient que l’exemplarité de la décroissance serait « suffisante » et pourrait se passer de multiplier/croiser les voies. A tous ceux qui n’ont pas compris que le refus de faire de la prise de pouvoir un préalable aux transformations sociales, économiques, écologiques et démocratiques permet de faire de la « politique autrement » : dans ce groupe, on retrouve aussi bien les décroissants qui tentent le coup des formations politiques classiques (EE et PG) que ceux qui ne veulent plus du tout entendre parler de politique et qui confondent présence électorale et électoralisme (les « sécessionnistes »).
  • Pas de « révolution lente » sans décroissance : les OC devraient aussi se confronter à ceux qui ont compris que l’opposition révolution/réforme doit être dépassée mais qui n’en profitent pas pour franchir le pas de la « décroissance. Dans ce groupe, on retrouvera, me semble-t-il, tous ceux qui n’ont pas encore franchi le pas franc de la décroissance (ils sont aux alternatifs, au NPA, voire dans des orga libertaires/anarchistes).

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