Garder l’équilibre

Le nombre « 3 » ne devrait nous faire croire que toute trilogie revient à une autre trilogie. En particulier, certaines lectures trop rapides des « 3 pieds » les réduisent à une étagère à 3 niveaux :

  • je crois qu’il ne faut pas confondre ce que j’appelle les « 3 pieds » avec ce que Paul Ariès appelle les « 3 pistes » ou les 3 « démarches« .
  • Pour moi les 3 pieds sont : le projet, les alternatives concrètes et la visibilité politique. J’essaie de ne jamais les ranger dans le même ordre : il n’y a donc pas pour moi de 1er pied, de deuxième pied, etc. Il y a trois pieds pour faire des petits pas.
  • Pour Paul Ariès, il faut distinguer 3 pistes : individuelle (celle de la simplicité volontaire), collective (celle des amaps, des SELs…) politique (celle du RI, de la gratuité, etc.). Alors là, oui, ces 3 pistes peuvent être classées par « niveau » : la « première piste » est celle de l’individuel, etc.

Et alors ?

  1. On peut faire comme le PPLD récemment : on secoue le tout et on obtient un mélange. Ils défendent maintenant les « 4 piliers de la décroissance » : la simplicité volontaire, les alternatives concrètes (ils reprennent même mon expression d’uto-pistes), la visibilité politique et le projet. C’est du gloubi-boulga (parce qu’ils n’utilisent que des résultats sans avoir fait le chemin des besoins de telles distinctions).
  2. Qu’est-ce qui se passe si on veut à tout prix confondre les « 3 piliers » et les « 3 pistes/niveaux » : on va confondre alors les alternatives concrètes et la simplicité volontaire ; ou bien on va les distinguer mais alors on va éjecter la visibilité (comme celle-ci a à voir avec le Pouvoir, on adopte une position caricaturalement libertaire : variante libertaire du libéralisme individualiste) ou alors on va éjecter le projet (comme celui-ci a à voir avec le Savoir, on adopte une position caricaturalement anti-intello – voir ce que j’appelle le « biais de la mouvance alter » .

Mes propositions/compréhensions :

  • il ne faut pas confondre les « 3 pieds » et les « 3 pistes/niveaux »
  • La distinction des 3 pieds provient d’une réflexion/héritagede ce qu’a été le socialisme : pour caricaturer
    • pour le socialisme marxiste (scientifique = scientiste) : le savoir préalable du projet légitime un travail de conscientisation du prolétariat : on va du projet à la visibilité et les seules actions sont des ré-actions : des grèves, des luttes, des manifestations, des pétitions : on est dans le « contre » parce qu’on s’adosse au dogmatisme de l’avant-garde éclairée. Les « alternatives concrètes » sont méprisées comme des « utopies ».
    • pour le socialisme associatif/coopératif : les alternatives concrètes éclairent ou sont éclairées (il y a chez eux des « ascendants » et des « descendants ») par le projet : est oublié/méprisé cette fois-ci le pied de la visibilité.
  • Il nous faut hériter de ces 2 socialismes et ne sacrifier aucun des 3 pieds : savoir en hériter, savoir les déconstruire, savoir les décaler : c’est en partie l’ambition des rencontres de Marlhes 2010.
  • Les 3 pistes/niveaux de Paul Ariès sont pour moi des « entrées » dans le/la politique portée par la décroissance ; je ne les rejette pas ; au contraire même puisque je défends l’idée que la meilleure entrée est celle du milieu, celle des « collectifs »
    • je crains comme la peste les « communautés terribles » et les adeptes de la prise préalable du pouvoir de soi : je crois que l’entrée par la « simplicité volontaire », si elle repose sur une « éthique de la conviction » court toujours le risque d’oublier « l’éthique de la responsabilité » (vis-à-vis des autres comme vis-à-vis de la nature) : bref, je crains qu’elle soit toujours tentée par l’a-politisme (on adopte alors une posture/imposture de radicalité=intransigeance au lieu d’une radicalité=cohérence) : et en avant les picnics et les bals impopulaires, les ballades et les apéros-décroissance ou les replis baba-cools de l’entre-soi…
    • je crains comme la peste aussi le goût du pouvoir (le « goût de la brigue » dit Jacques Rancière) et c’est pourquoi je ne crois pas qu’il faille entrer en  décroissance par la piste « politique »
    • en entrant par la piste « collective », on rencontre des « gens », etc. A chacun ensuite d’approfondir son engagement sur la voie du plaisir de savoir-vivre (Epicure) ou de prendre son élan dans l’espace public (Hannah Arendt) de la politique.

Tout ce que j’écris est caricatural (une trame : ne pas en faire un drame) : en attendant de réécrire les « 3 pieds », ou au moins d’en faire un « abrégé » de 20-25 pages ?

2 commentaires

  1. Author

    Comme dans toute trinité, depuis les Pères de l’Eglise et Hegel, on peut toujours trouver une ressemblance, des points communs.

    Mais ces « trois pieds » ne sortent pas « de ma tête » ou de lectures à droite à gauche, mais d’une analyse de mes pratiques politiques relocalisées : éducation populaire, monnaie complémentaire, coopérative producteurs-consommateurs.

    Les « trois pieds » s’équilibrent dans le terreau du Faire.

  2. Pour moi Michel ces trois pieds me font beaucoup penser à Hirschman : Exit, Voice, and Loyalty, Responses to Decline in Firms, Organizations, and States.
    Mais ceci dit Hirschman précisait que tout comme toi il semble les séparer. Je ne prétends pas donner de leçons, juste des ressentis à la lecture cet article
    Amicalement

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