Les décroissants ont-ils un problème avec la politique ? En politique, les décroissants font-ils un blocage sur la question du pouvoir ?
L’intérêt majeur du livre de Miguel Benasayag et Diego Sztulwark – Du contre-pouvoir, de la subjectivité contestataire à la construction de contre pouvoirs, La Découverte, 2000 – était, il y a déjà dix ans, de répondre positivement à ces deux questions par la négative. Même s’il n’est pas écrit directement pour les partisans de la décroissance, ce livre fournit à tous ceux qui mènent une critique radicale du système quelques analyses plutôt bien argumentées qui permettent a/ de justifier l’intervention des objecteurs de croissance dans la politique et b/ d’affronter en grande clarté certains des dangers liés au pouvoir.
Les décroissants n’ont pas de problème particulier avec la politique ; ils pensent même plutôt que c’est la politique qui devrait être un problème pour tout le monde. Mais il est vrai que les décroissants ont un problème particulier avec le pouvoir ; car ils ne peuvent décemment pas faire semblant d’ignorer que le pouvoir est d’abord le pouvoir d’imposer sa propre logique et que dès que cette logique est adoptée, « la lutte contre le pouvoir est perdue » 1.
Parmi les nombreuses illusions dominantes que les partisans de la décroissance veulent dénoncer, il y a d’abord celle qui concerne la conquête préalable du pouvoir. Et c’est là une rupture radicale tant avec l’ordre dominant du système qu’avec les formes traditionnelles de sa critique. Façon de se mettre à dos tant ses adversaires que de potentiels « alliés » qui, du coup, se hâtent de perdre toute subtilité en faisant semblant de croire que le refus de la conquête préalable du pouvoir n’est qu’un refus catégorique du pouvoir.
Impasses militantes
Le décroissant qui veut faire de la politique se retrouve très souvent pris en étau : entre la militance classique et le rejet de cette militance classique. Entre le militant au service de « la cause » et l’insurgé des consciences.
Pour se retrouver pris en étau, il suffit généralement de renvoyer dos à dos tant une attitude commune que sa critique commune. Ce qui fait que pour tous ceux qui croient qu’il n’existe que ces deux attitudes, dès que vous ne direz pas comme eux, la solution de facilité sera de vous caricaturer en vous traitant comme un défenseur de l’autre bord. Dualisme simpliste de tous ces rangements fournisseurs de catégories pour amateurs de jugements catégoriques.
Ne pas se contenter de l’insurrection des consciences. Il ne s’agit pas de la rejeter, il s’agit d’en faire une condition nécessaire mais insuffisante.
Elle est insuffisante et c’est bien regrettable ; ah, s’il suffisait de prendre conscience d’une injustice pour sans tarder s’organiser pour y mettre fin ! 2
Elle est d’autant plus insuffisante qu’elle peut être dangereuse ; dans la mesure où la plus séduisante des idées, la plus belle description d’un nouveau paradigme, « apparaîtra toujours moins sérieuse, plus irréelle, que les pratiques du pouvoir dominant… La politique consiste précisément à abandonner l’idée que le pouvoir des idées agira demain, car le pouvoir doit certes être affronté avec des forces, mais aujourd’hui » (page 64).
Elle n’en est pas moins nécessaire pour l’objecteur de croissance qui ne veut pas avoir une posture mais être dans la reprise en corps et en âme de sa vie sensée. Mais là encore, le tort de la solution de l’insurrection des consciences, comme prise de pouvoir sur soi, est d’en faire un préalable.
Car c’est le capitalisme qui a besoin d’une définition de l’individu comme pure conscience. « Ce mythe de la centralité de la pensée consciente n’est qu’un récit produit par et pour le pouvoir capitaliste afin de justifier son mode de domination fondé sur la séparation 3. Le capitalisme a besoin de fabriquer ce qui est sa figure centrale, à savoir une masse d’individus isolés » (page 117).
Et c’est bien pourquoi est programmé d’avance l’échec de toute tentative de faire aujourd’hui de la politique en s’adressant d’abord à des individus pour les convaincre d’adhérer à une politique insurrectionnelle. Et l’étau devient boomerang : « tôt ou tard, nous nous retrouvons frustrés face aux inévitables échecs d’une telle entreprise, face au manque de motivation et de réaction des gens » (page105).
Est-ce à dire qu’il faut en revenir aux formes traditionnelles de la militance ? Précisément pas. Ni au militant traditionnel ni à ses variantes qui ont en commun de n’être que des impasses (pages 74-76).
- Le militant traditionnel : il n’inscrit pas son action d’abord dans une situation « ici et maintenant » mais à partir d’un modèle auquel il adhère au préalable et qui lui fournit – du moins le croit-il – des « clés » pour comprendre le sens politique de son engagement. Il possède ainsi un « modèle » – une utopie comme idéal et une stratégie comme méthode – dans lequel « la modernité est l’époque où les luttes du présent sont ordonnées par le futur » (page 18). Il adopte ainsi une attitude « extra-situationnelle », il s’installe dans la « position imaginaire du mirador » (page 78). Du coup, les luttes ne sont plus envisagés en elles-mêmes (elles peuvent même être classés selon leur intérêt stratégique ou tactique) mais « en tant que moyens et instruments pour des objectifs à venir identifiés à partir du modèle » (page 89).
- Le militant humanitaire : ayant enregistré l’échec des tentatives classiques de changer le monde, il abandonne toute ambition de s’opposer à l’hégémonie capitaliste pour s’engager et tenter d’intervenir efficacement là où il pourrait « stopper ou limiter l’horreur » (page 74). Il est ainsi du « bon côté », et dans l’action, mais il a abandonné de fait toute perspective d’une radicalité politique. Pire, il peut même, en quelque sorte « à son insu » servir de caution à une société qui cyniquement fera de son action un spectacle dépolitisé offert au reste des humains spectateurs. Permettant juste à de tels spectateurs de se sentir de temps en temps un peu coupables de ne pas inscrire plus souvent dans leur agenda leur participation à ces « résistances » ; mais ils y pensent 4.
- Le militant alternatif : lui aussi est dans l’action mais comme il ne croit plus du tout à la dimension politique de l’espace public, il se satisfait vite de se replier sur ses propres alternatives, qu’il pratique aussi bien individuellement qu’au sein de son groupe affinitaire.
Malgré leurs différences, qu’est-ce que ces formes de militances partagent comme caractéristique commune ? Qu’elles rejettent ou non la politique, qu’elles posent ou non la question du pouvoir, elles sont toutes des figures de l’indifférence aux contre-pouvoirs.
- Soit parce qu’elles sont encore dans la nostalgie de la prise préalable du pouvoir.
- Soit parce qu’elles rejettent le bébé avec l’eau du bain, parce qu’elles identifient toute politique à une affaire de prise de pouvoir et comme elles se méfient, avec raison, de cette dernière, elles abandonnent tout ce qui pourrait réellement « repolitiser » leurs engagements sociaux, écologiques, humanitaires…
Le problème de telles attitudes est aisément formulable :
- Idéologiquement, il n’y aurait que deux attitudes possibles face au pouvoir : sa prise préalable ou bien son rejet. Ils ne semblent pas s’apercevoir qu’une autre position est possible, position qui ne s’apparente pas du tout à un médiocre juste milieu, mais qui consiste au contraire à « déconstruire » la question du pouvoir en la décentrant : il ne s’agit plus de se demander si faire de la politique c’est prendre ou non le pouvoir, il s’agit de se décaler d’un pas pour poser la question du pouvoir à partir des contre-pouvoirs.
- Politiquement : leur indifférence aux contre-pouvoirs ne peut que renforcer le pouvoir.
La voie des contre-pouvoirs
Comment les décroissants peuvent-ils alors poser la question politique non plus à partir de celle de la prise préalable du pouvoir mais à partir des contre-pouvoirs ? Et pourquoi ?
Il semble judicieux de reprendre une distinction que les auteurs proposent entre « pouvoir » et « puissance ». Si pouvoir et puissance diffèrent, c’est tout simplement que, d’une certaine façon, le pouvoir est im-puissance.
Et avant de définir cette différence, c’est d’abord cela qu’il faut constater : « chaque fois qu’il y a prise de pouvoir, que ce soit par l’insurrection ou par la voie électorale, la première chose que constatent les vainqueurs, c’est que dès le moment où ils accèdent à la place tant convoitée, le champ des possibles, de la puissance, se rétrécit irrémédiablement, jusqu’à parfois disparaître » (page 58).
Qu’est-ce que le pouvoir s’il est impuissant ? Et qu’est-ce que la puissance ?
- La puissance est le développement de potentialités, la réalisation des possibles qui récusent tout étiquetage, toute définition. En ce sens, la politique est « le passage de la puissance au contre-pouvoir » (page 44).
- Le pouvoir, au contraire, est une « dimension statique », qui définit des frontières et des formes à l’intérieur desquelles s’exerceront l’administration et la gestion. Exercer le pouvoir, c’est commencer par délimiter ce que l’on ne peut pas. C’est surtout confondre « ce que l’on ne peut pas faire faire à partir d’en haut » avec « ce que l’on ne peut pas du tout faire ».
- La puissance part du « faire » et « du bas » ; le pouvoir part « du haut », pour « faire faire ». C’est pourquoi, ceux qui confondent le pouvoir et la puissance, croient en même temps qu’il faut prendre le pouvoir au préalable.
Nouvelle radicalité, nouvelle militance
Il y a donc dans une politique de la puissance une dynamique libertaire que les décroissants doivent politiquement assumer. Mais surtout pas s’en contenter !
C’est arrivé à ce point que bien souvent même les partisans les plus politiques de la décroissance en arrivent eux-mêmes à décrocher.
– l’objecteur de croissance est-il un militant traditionnel comme la gauche l’a toujours promu ?
– Non.
– Alors, il se contente d’être dans la gesticulation bo-bo de ceux qui croient que les droits de l’homme sont une politique ?
– Non plus.
– Ah bon, c’est qu’il s’engage dans les alternatives là où « les gens » et « les choses » peuvent vraiment changer ?
– Oui, mais pas seulement car il ne veut pas accepter la ruse de la dépolitisation.
– Mais alors il recherche le pouvoir ?
– Il n’en fait pas un préalable.
– Je n’y comprend plus rien ; il va aux élections oui ou non ? C’est un « libertaire » ou c’est un « républicain » ?
Le décroissant qui entre en politique entre en dissidence : « ce qui suppose une désacralisation radicale des cultures politiques pieuses qui vénèrent bulletin de vote, sondages et fausse démocratie volée au peuple » 5.
Mais il ne s’arrête pas là, dans l’imposture d’une politique du rebelle. Il peut accepter de « participer au jeu démocratique, imparfait certes, mais qui demeure cependant le moins pire des systèmes » 6. « Politique et gestion entretiennent une tension paradoxale qui doit être préservée, car l’une et l’autre sont nécessaires » (page 31). Ni l’une ni l’autre ne doit se raconter qu’elle peut faire l’économie de l’autre : la politique sans gestion est bêtement idéaliste ; la gestion sans politique est vulgairement matérialiste.
Difficile équilibre, périlleuse action « sur la crête » puisque même au sein d’une gestion révolutionnaire l’élément dynamique risque d’être considéré comme dangereux ! Il s’agit là de la question même de l’âme d’une politique de la décroissance : « développer des formes de lutte ne se condamnant pas à produire des modèles de société éliminant la dynamique libertaire qui les fonde constitue donc l’un des enjeux majeurs de la nouvelle radicalité » (page 31).
Militant chercheur et militant situationnel
Tout cela aboutit à faire du décroissant un militant tout à fait nouveau.
Il est un militant situationnel ; le militant extra-situationnel est celui qui dispose d’un modèle émancipateur – révolutionnaire ou réformiste – à partir duquel il juge le spectacle de la politique. A partir duquel il évalue la portée politique de son engagement, distribuant les priorités. Mais aucune politique du modèle n’a réussi ! Il s’agit donc de descendre du mirador de l’avant-garde éclairée, de rentrer dans les situations concrètes.
Une des conséquences les plus réjouissantes de cet abandon du modèle est le retour d’un véritable temps politique. Car l’abandon du modèle implique de retrouver le contact avec la puissance de l’action ; il n’y a par conséquent plus guère d’urgence, cette urgence par laquelle un futur idéalisé vient violer le présent des ruptures. Et puisqu’il n’y a plus d’urgence, alors les ruptures peuvent débuter sans tarder, sans attendre.
Une autre conséquence de la perte des modèles est l’obligation faite dans ce cas au militant de devoir à chaque instant agir sans pouvoir se couper de la réflexion sur sa pratique. Et la première réflexion ainsi impliquée est une auto-critique permanente : comprendre ce que l’on fait, c’est déjà le faire autrement. De plus, une telle réflexion qui cesse de ne situer que par rapport au phare du bout du chemin peut retrouver le sens du passé. C’est en ce sens que tout militant situationnel doit toujours, peu ou prou, être un « militant-chercheur » : car « le passé nous aide à trouver les chemins que nous devons prendre aujourd’hui » (page15).
Sera ainsi nécessaire, pour que l’élan libertaire de la politique ne soit jamais brisé, que soient régulièrement organisés des pauses et des moments « où l’on puisse réfléchir autour de la question du pouvoir et organiser des travailleurs de la culture ou des philosophes disposés à assumer cette question dans le sens de la libération » (page 123) : réunir militants-chercheurs et chercheurs-militants, quelle meilleure façon de ne pas céder à la tentation anti-intellectualiste du « toujours-recommencer-à-zéro » !
Libérer la puissance des contre-pouvoirs
Les décroissants ont donc quelques bonnes raisons de penser qu’une politique radicale est possible à partir non plus de la prise préalable du pouvoir mais à partir des contre-pouvoirs.
Plus question pour le militant situationnel de s’épuiser à la conquête la plus rapide possible des lieux de domination ; à lui au contraire de s’investir dans la « construction du contre-pouvoir intrasituationnel » (page 49). Dans ce cas, la démocratie ne peut pas se réduire à un ensemble de procédures par lequel on fait croire – le temps d’un vote ou d’une consultation – aux citoyens qu’il suffit à exercer un contrôle suffisant sur le pouvoir.
« En somme, ce que nous identifions comme une démocratie authentique, c’est l’ensemble des luttes en situation pour l’augmentation de la puissance » et en vue de la construction du contre-pouvoir, ainsi que la représentation de ces luttes dans la situation-gestion » (page 55).
Guy Debord désignait cela du nom de « construction de situations » rappelle honnêtement Jean-Claude Michéa. Dans la « situation », ce sont bien les pratiques de base qu’il s’agit de modifier ; mais comment le faire précisément en l’absence d’un « modèle » ? « Il s’agit plutôt de construire progressivement un contexte politique, social, culturel qui favorise indirectement les dispositions à l’égalité, l’entraide et l’amitié plutôt qu’à l’égoïsme et à la guerre de tous contre tous » 7.
La politique est donc bien affaire de pouvoir mais les changements dans les rapports de pouvoir ne passeront par sa conquête préalable mais par la libération de la puissance des contre-pouvoirs ; non pas en vue d’un futur idéal mais à partir de la situation ici et maintenant ; sans croire, dans une logique d’affrontement, qu’il y aurait des places-fortes à conquérir en priorité parce que leur défaite signifierait ipso facto la victoire définitive.
La puissance des contre-pouvoirs leur provient d’abord de leur ancrage dans la situation concrète. Cet ancrage suffit à les dispenser de n’être que des transitions en vue du développement externalisé d’un parti ou d’un mouvement. Une lutte n’a pas besoin de se définir comme un moyen de faire venir des militants vers un parti ou un mouvement pour conquérir sa radicalité 8. Le militant situationnel refuse la « transitivité des luttes » qui finalement considère une lutte seulement comme un moyen en vue d’un objectif fourni par le modèle, par l’explication : une lutte doit être considérée en elle-même.
On touche là le ressort principal de la puissance des contre-pouvoirs. Car c’est ce ressort qui peut amener les contre-pouvoirs à être les causes d’un effet de « masse critique ».
On ne devient pas féministe pour mettre le féminisme au service d’une cause plus vaste qui le dépasserait. De même pour les luttes des sans-papiers, des chômeurs, des sans-terre, contre l’hyper-sécurisation, etc.
Mais les précautions prises à ne jamais instrumentaliser ces luttes dégagent la possibilité de leur approfondissement concret : on ne défend plus alors une idée abstraite de la politique mais on donne à chaque situation la possibilité, la puissance, de se développer dans toutes ses significations les plus concrètes. Car c’est en faisant qu’on se rend compte qu’une situation est liée à d’autres situations.
Une politique des contre-pouvoirs passera donc par des projets concrets : « projets qui surgissent comme productions contre-hégémoniques des groupes résistants… Et le contre-pouvoir consiste à créer des points irréversibles dans le développement de cette contestation » (page 136).
Le tissage en réseau de ces projets, de ces alternatives concrètes, de ces « uto-pistes » a la puissance de construire ce que Gramsci appelait un « bloc historique », de causer un « effet de masse critique ». Non pas pour désigner « un front de partis politiques ou d’autres instances extrasituationnelles, mais précisément le mouvement des situations qui se composent pour potentialiser l’émergence des contre-pouvoirs » (page 142).
A quelle condition incontournable cette puissance, ce potentiel, peut devenir réalité tout en échappant à son devenir-réalité habituel, celui de la sclérose de la puissance en pouvoir ? Le terme même de contre-pouvoir pourrait laisser croire qu’il ne s’agit que de « lutter contre », en particulier contre les excès d’un système (ce qui reviendrait à le conforter car Illich avait bien raison de répéter 9 qu’il ne devrait jamais être question de créer un mouvement « du Contre qui laisserait supposer que le Pour pourrait avoir raison ».
Les contre-pouvoirs sont d’abord des auto-affirmations de la puissance avant d’être des luttes contres les pouvoirs et les dominations.
C’est là qu’une politique des contre-pouvoirs vient reprendre à sa base la question de la politique : car il va s’agir de se libérer du « moment Machiavel », quand le réalisme politique n’a plus signifié qu’une gestion du mal, au mieux une politique du « moindre mal » 10.
Sans replacer la politique sous la tutelle du Bien, n’est-il pas indispensable d’envisager la politique comme politique du mieux ?
_____________________Les notes et références
- John Holloway, Changer le monde sans prendre le pouvoir, p.36[↩]
- Relisons ce qu’écrivait Karl Valentin, en 1947, dans sa saynète Père et fils au sujet de la guerre. « –Mais papa, si tout est vraiment comme tu me l’expliques, il n’y aura jamais de paix éternelle sur terre. – Jamais. C’est bien pour ça qu’on dit : tant qu’il y aura des hommes, il y aura des guerres. – Des hommes ? Non, papa – dans ce cas, il faudrait dire : tant qu’il y aura des ouvriers, il y aura des guerres. – Non, il faut dire : tant qu’il y aura des charlatans pour embobiner les ouvriers avec des bobards, il y aura des guerres. – Alors, c’est les bobards qui sont la cause des guerres. – oui, c’est ça – et ces bobards, c’est ce qu’on appelle le capitalisme international. – On ne peut pas les exterminer ? – Non ! Tout au plus avec des bombes atomiques qui anéantiraient le monde entier ! – Mais papa – c’est là que le bât blesse : qui est-ce qui les fabrique en fin de compte, ces bombes atomiques ? – Bien sûr, toujours les ouvriers. – Mais si tous les ouvriers du monde étaient d’accord, est-ce qu’il y aurait encore une guerre ? – Non – alors il n’y en aurait plus – ce serait la paix éternelle. – Mais, hein papa, ils ne seront jamais d’accord ».[↩]
- Cette centralité de la pensée consciente se retrouve au fondement de toute structure centralisée : celle pour qui, avant de faire, il faut savoir ; mieux, ou pire, le centre doit savoir au préalable le faire de la périphérie.[↩]
- « Que de naïveté narcissique de la part des gens qui, plongés dans le quotidien unidimensionnel, persévèrent dans la certitude que, le jour venu, ils sauront se révolter contre l’horreur », Miguel Benasayag et Edith Charlton, Critique du bonheur, 1989.[↩]
- Selon la juste formule de Paul Ariès, La décroissance, n°63, octobre 2009, page 4.[↩]
- « Tenter encore et toujours de peser sur les rapports de force idéologique, participer pour cela aux élections avec la volonté d’être élu, d’accepter ensuite de siéger dans les exécutifs », idem.[↩]
- Jean-Claude Michéa, La double pensée, 2008, page 25.[↩]
- C’est tout l’enjeu actuel au sein de l’Association des objecteurs de croissance du rôle que va jouer la « plate-forme de convergence » : si elle est utilisée comme un signe d’adhésion à un mouvement alors un tel mésusage signifiera d’abord l’incompréhension profonde de ce qu’est la logique du pouvoir et de sa contestation permanente par les contre-pouvoirs ; si elle est utilisée comme un « signe de reconnaissance » alors elle sera partagée par un réseau de « compagnons de route ».[↩]
- Merci à Bernard Bruyat de m’avoir fait connaître cette citation d’Illich[↩]
- Quand il ne s’agit plus de faire le bien mais de ne pas faire le mal alors la politique se met au service de la croissance du plus au lieu de simplement constater que le mieux n’est pas toujours le plus : ce qui est désirable, c’est « moins mais mieux ».[↩]