Des horizons à perte de vue

Si « social » a été le confinement, c’est parce qu’une couche supplémentaire de violence politique a permis – un temps seulement – de différer l’expression de la chronique de la violence sociale. Il ne faut donc pas s’étonner si le déconfinement est le temps des explosions contenues par et dans la société.

Mais pour autant, après comme avant, comment ne pas constater le contraste entre l’évidence de ce qu’on ne veut pas et qui est inacceptable et l’absence d’une vision un tant soit peu partagée « de ce à quoi devrait aboutir une transformation ciblée de l’état de choses existant » (Axel Honneth) ? Il n’est malheureusement pas très difficile d’illustrer cette absence d’horizon commun :

  • saturation paradoxale de toute vue d’ensemble à cause de l’encombrement idéologique provoqué par la multiplication des « initiatives » et des « appels » pour que « après » ne soit plus comme « avant » : litanie de listes pas toutes inintéressantes, mais toutes appelant à la convergence… autour d’elles.
  • la parcellisation des analyses est telle que chacun peut voir dans cet « après » la confirmation de ses analyses d’avant : plus d’écologie pour les écologistes, plus de libéralisme pour les libéraux, plus de souveraineté pour les souverainistes…
  • que les décroissants ne fassent pas non plus trop les malins, car ils doivent reconnaître que l’époque ne devrait pas être aux certitudes : la virulence des fake news dans le monde du faux est-elle du même ordre que la viralité de la juste indignation mondiale contre les violences et discriminations policières et leurs cortèges d’impunité ; le télétravail n’est-il que la menace portée par la dématérialisation du monde social ou bien une aubaine pour fissurer une vie laborieuse scandée par les temps de travail et de transport ; les gouvernements ont-ils abusé par le confinement du « principe de précaution » ou bien n’y a-t-il eu là qu’une première mondiale promettant la multiplication future de son application (aux pesticides, au nucléaire…) ???

  Le risque est bien celui-ci : à perte de vue – expression à prendre à la lettre – un miroitement d’horizons qui ressemble plus à une boule à facettes disco qu’à une étoile pour nous orienter dans « une époque obscure ».

C’est pourquoi j’ai poursuivi ma lecture des représentants actuels de la Théorie critique : après Hartmut Rosa, je (me) suis retourné vers Axel Honneth. Car il me semble que son plaidoyer pour un socialisme débarrassé de sa gangue industrialiste est une « belle idée ». Une « idée » ? Oui, mais elle est belle.

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