Pour une décroissance de l’invisibilité de la décroissance – 1

Pour un mouvement d’idées, Il est plus confortable de se complaire dans l’invisibilité et le groupusculaire que de s’organiser afin – sans trahison et avec cohérence – de bousculer le ronron croissantiste des débats politiques. Comment sans abandonner le politique faire de la politique ? Comment construire une Maison commune des décroissant.e.s en assumant de défendre et d’exposer des idées « identifiantes et clivantes » ?

Pour un.e objecteur.trice de croissance, la croissance n’est pas la solution, elle est le problème. Les décroissant.e.s partagent cette conviction ; mais ils rajoutent une question politique : et maintenant ?

Quelle responsabilité politique ? Il y a là une bifurcation inévitable :

  1. Alternative 1, ne plus croître, certes ; mais rester peu ou prou dans le monde d’aujourd’hui, à quelques réformes et mutations près. C’est là la voie de la seule « objection de croissance ».
  2. Alternative 2, celle de la « décroissance » : les limites de la soutenabilité écologiques ne sont pas seulement « franchies », elles sont dépassées, trop, beaucoup trop ; à la démesure de l’effondrement. Les décroissant.e.s affirment qu’il ne suffit pas de libérer la société d’une économie de croissance mais qu’il faut retrouver une soutenabilité écologique, qu’il faut repasser sous les plafonds qui ont été dépassés, sans attendre.

La critique et la sortie du monde de la croissance ne peuvent donc plus se contenter de dire « objection », « adieu » ou « halte » à la croissance ; c’est bien de « décroissance » dont nous avons politiquement besoin ; c’est bien de « politique » dont les décroissant.e.s ont besoin.

Ceci étant rappelé, comment construire une visibilité « identifiante et clivante », « sans trahison et avec cohérence » ?

1- Commencer par ne pas tout embrouiller.

C’est là que, de nos discussions en vue d’une Maison commune des décroissant.e.s (Charpey, Corbonod, Pontarlier), plusieurs pistes ont été explorées et il me semble important, en ces temps de fondation, de ne pas les confondre mais au contraire de travailler leurs différences et leurs relations.

Au début du processus a été lancée l’idée d’une devise. A l’occasion d’une recherche collective, un grand nombre de valeurs est sorti. J’avais aussi proposé l’image d’un disque central avec des rayons mais quand nous avons tenté une première discussion sont apparues « en vrac » des valeurs, des propositions, des doctrines, et aussi des principes.

Je crois que seuls des « principes » devraient trouver place dans le « noyau central ».

→ Travail sur la devise

devise
  • Celle de la république française est philosophiquement et politiquement très forte : liberté, égalité, fraternité. Sa force réside dans sa capacité à mettre en tension liberté et égalité puis à proposer la fraternité comme conciliation. L’ordre n’est évidemment pas anodin.
  • Pour des raisons que j’ai exposées ailleurs [1] (pourquoi dans cet ordre, pourquoi écarter simplicité, autonomie et échange ?), je proposerais bien : sobriété, émancipation et partage.
  • A ces trois « idéaux », des discussions [2] ont ajouté : « convivialité ». La référence aux travaux d’Ivan Illich permet en effet de voir dans la convivialité un terme qui permet de très bien poser les débats qui doivent exister entre socialité et technicité, débats essentiels pour les décroissant.e.s quand ils veulent penser leurs rapports à la société et à la nature.

→ Nuage des valeurs

  • nuage_valeursA la différence du travail précédent (sur la devise), la totalité du travail sur les valeurs peut et doit être confiée à tout.e décroissant.e qui participe au processus.
  • On pourrait imaginer qu’à chaque engagement – en plus d’adhérer à la déclaration commune, voire de participer financièrement – un.e décroissant.e propose 6, 8 ou 10 valeurs de son libre choix.
  • Le tout pourrait se visualiser dans un « nuage des valeurs ».
  • Autre visualisation possible ; « on » déterminerait deux axes et chaque décroissant.e choisirait un certain nombre de valeurs dans ce repère (exemples d’axe : axe rupture/conservation, axe autonomie/hétéronomie, axe proximité/coopération, axe amont/aval…).

→ Doctrines et convergences

  • Comment situer la « décroissance » par rapport à tous les mots en « isme » : socialisme, humanisme…
  • Surtout tous ceux qui orientent nos luttes et qui nous définissent comme des « anti » ? Anti-capitalisme, anti-productivisme, anti-extractivisme, anti-individualisme…
  • Et il y a d’autres « anti » : anti-nucléaire, anti-OGM, anti-GPII, No-Tav…
  • Tout cela définirait le domaine de nos convergences ; pour autant, cela ne permettrait pas une identification de la décroissance en tant que telle ; c’est pourquoi, il me semblerait inadéquat de les mettre au cœur de notre noyau dur.
  • Explicitation 1 : sur l’exemple de l’anti-nucléaire. Il faudrait être capable de faire la différence entre « anti-nucléaire parce que décroissant.e » et « anti-nucléaire donc décroissant.e ». Au sein de la Maison commune de la décroissance, pourrait-il y avoir place pour des « anti-GES donc un peu de nucléaire comme transition » ou bien la seule option possible est-elle « anti-nucléaire donc un peu de fossile en transition » ; remarquons que ces deux positions s’accorderaient sur : « sortie immédiate des nucléaires » (c’est-à-dire sortie la plus rapide possible tant techniquement que socialement).
  • Explicitation 2 : cela donne une piste sur ce qui devrait se trouver dans le noyau dur : de quoi en déduire si telle convergence est cohérente ou non. Par exemple, je vois mal comment au sein d’une Maison commune des décroissant.e.s, on pourrait faire place à des décroissants qui seraient partisans du capitalisme (un décroissant capitaliste, cela me semble une contradiction dans les termes). Pour autant, pas besoin de mettre l’anti-capitalisme dans le noyau dur si on y trouve un « principe » à partir duquel l’anti-capitalisme est la seule position cohérente.
  • Les convergences ne devraient se discuter qu’après la construction de la Maison commune. Commençons par nous définir, pour nous identifier et ensuite nous pourrons envisager avec qui et comment nous pourrons travailler.

→ Propositions et éléments de programme

Les propositions seraient destinées à alimenter un « programme » de la décroissance.

  • Dans le passé, à l’occasion de tentatives de convergence ou de présences électorales, des décroissant.e.s ont déjà proposé des catalogues de telles propositions ; par exemple, http://www.les-oc.info/wp-content/uploads/2012/11/Adresse-du-MOC-aux-antiproductivistes.pdf
  • Un tel programme pourrait s’échelonner en trois temps : ce que l’on peut immédiatement adopter, ce par quoi il faudrait commencer dans un trajet de décroissance, ce qui dans un tel trajet fournirait comme un clapet anti-retour (vers la croissance).

→ A suivre : Quels principes placer au coeur de la décroissance ? https://decroissances.ouvaton.org/2016/09/09/pour-une-decroissance-de-linvisibilite-de-la-decroissance-2/

[1] http://decroissances.blog.lemonde.fr/2016/02/27/pour-une-politique-decroissante-des-revenus/#valeurs

[2] http://processus-decroissance.xyz/2016/05/26/aux-ramieres-26-les-14-15-16-mai-2016/#Discussion_sur_les_valeurs_de_la_decroissance

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