D.I.A. et R.I.

Je me permets une lecture « charcutière » du texte de Baptiste Mylondo en me demandant : Comment rapprocher au plus près la D.I.A. et le R.I. ?

Instaurer un revenu inconditionnel (R.I.) fait partie des quelques mesures concrètes/programmatiques que compte pour l’heure le projet politique des objecteurs de croissance. En effet, garantir à chaque individu un revenu minimum suffisant…

– il s’agit de poursuivre la critique marxiste de l’insuffisance des droits formels (droits-libertés selon la terminologie de R. Aron, reprise constamment par Alain Renaut) et de leur nécessaire effectivité par des droits réels (droits-créances).

– C’est T.H. Green, qui en 1881 (Lecture on liberal legislation and freedom of contract) pose la (célèbre) distinction entre « liberté négative » (comme absence de contraintes ; du coup, toute contrainte apparaît comme une absence de liberté) et « liberté positive » (être vraiment libre, ce n’est pas suivre ses envies ou ses caprices, fût-ce aux détriment des autres, mais c’est avoir la capacité positive – « a positive power or capacity » – de faire ou de jouir de quelque chose qui en est digne, et ce en commun avec les autres).

– Pour les libéraux (lockéens de droite), la liberté négative suffit à définir des droits individuels en tant que « droits naturels ».

– La défense d’une telle conception passe par l’argument et la distinction de Benjamin Constant entre « liberté des Anciens » (être libre, c’est appartenir à une Cité libre, c’est-à-dire indépendante des autres Cités – Cf. J. de Romilly, La Grèce antique à la découverte de la liberté, 1989.) et « liberté des Modernes ».

– Mais (critique de Renaut dans L’ère de l’individu – 1989) B. Constant distingue mal entre « autonomie » et « indépendance », c’est-à-dire entre « le droit, pour chacun, d’influer sur l’administration du gouvernement, soit par la nomination de tous ou de certains fonctionnaires, soit par des représentations, des pétitions, des demandes, que l’autorité est plus ou moins obligée de prendre en considération » et le droit pour chacun « de disposer de sa propriété, d’en abuser même, d’aller, de venir… sans rendre compte de ses motifs ou de ses démarches », de vivre une vie « conforme à ses inclinations, à ses fantaisies ». Celle-là est l’autonomie, qui sous-entend une limitation intersubjective sous une loi commune, celle-ci est l’indépendance qui ne vise qu’à l’affirmation sans limite du Moi. Cf. Charles Taylor, Le malaise de la modernité, 1994. André Comte-Sponville, Le mythe d’Icare, chapitre sur les labyrinthes du Moi.

– Sur la notion de « capacité positive » : la conception de « capabilité » par Sen doit être discutée (lire en particulier ce qu’en dit F. Flipo : http://cfs.unipv.it/sen/papers/Flipo.pdf)

– « revenu minimum suffisant » : que veut dire « suffisant » ? A quel registre appartient-il ? Au registre de la justice (sociale) ? Ou bien à celui de la décence ? Comment et pourquoi distinguer ces 2 registres ? Voir notre texte sur le « tissu altermondialiste ».

… apparaît comme une des conditions nécessaires à l’avènement d’une décroissance économique volontaire, équitable et socialement soutenable.

– décroissance et/ou objection de croissance. Arrêter la croissance, ce n’est pas la même chose que décroître économiquement. Ceux du Club de Rome étaient les derniers à pouvoir être objecteurs de croissance. Après eux, le seuil de l’empreinte écologique étant dépassé, il n’y a plus que la décroissance.

– L’objection de croissance aurait pu se contenter d’être « raisonnable ».

– La décroissance si elle ne veut pas être une récession subie devra être une décroissance désirable. « Désirable » peut signifier « volontaire, équitable et socialement soutenable ». Face à un capitalisme qui fonctionne plus à la séduction qu’à la répression, seule une alternative désirable est possible. Mais cette « désirabilité » n’est-elle pas une concession ou une ruse du capitalisme qui a su donner priorité au principe de plaisir sur le principe de réalité ?

Cela permettrait notamment de s’assurer que cette décroissance économique ne s’opère pas au détriment des plus pauvres. Sans faire l’unanimité, cette proposition semble donc aujourd’hui faire consensus parmi les objecteurs de croissance mais la forme que ce revenu minimum doit prendre reste en débat.

Récemment, certains objecteurs de croissance se sont prononcés pour la mise en place d’une dotation inconditionnelle d’autonomie (D.I.A.) qui prendrait la forme de « droits de tirage sur les services collectifs tels que l’énergie, l’information, la formation, la santé, la culture, les transports »[1] ou, pour reprendre la formule de Michel Lepesant, objecteur de croissance romanais, de « droits d’usage souverains sur les biens communs ».

– DTS : je suis très étonné de l’emploi de ce terme (même si celui que je propose est incompréhensible – il va falloir faire un travail de formulation) car ce terme vient du FMI : http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/sdrf.htm

– Je propose : « droits souverains d’usage gratuit de biens premiers ».

– « droits souverains » s’oppose à des droits qui seraient « contractuels », de gré à gré, entre individus (ou alors, si on veut garder l’esprit du « contrat », il faudrait que ce soit le « contrat social » de Rousseau ?).

– « droits souverains » s’oppose surtout à « droits naturels » : qui sont toujours, peu ou prou, ceux de l’individu ; ceux d’un individu qui mythiquement existerait avant la société.

– Enfin « droits souverains » fait référence au concept de « souveraineté alimentaire » ; il s’agissait bien pour Via Campesina (http://wikiwix.com/cache/?url=http://www.abcburkina.net/vu_vu/vu_6.htm) de faire critique au dogme libéral de « l’avantage comparatif » : http://www.fao.org/wfs/begin/paral/cngo-f.htm

– Il s’agit néanmoins de faire droit aussi aux critiques altermondialistes : la souveraineté alimentaire doit être articulée à une autre souveraineté, politique : se pose alors la question du « territoire » de la relocalisation des économies. Est-ce même une question de « territoire » ?

– « usage gratuit » renvoie aux travaux de Sagot-Duvauroux (http://altergauche26.ouvaton.org/articles.php?id=262&id_rubrique=311) et de Paul Ariès.

– Sur les biens premiers : à distinguer des biens communs ?

– Distinguer entre biens communs non-rivaux (garantis par des droits-créances) et biens communs rivaux (c’est sur eux que portent d’abord la DIA ou le RI)

Cette dotation inconditionnelle d’autonomie consisterait donc en une prestation en nature et non pas en espèces comme le suggèrent les promoteurs du revenu inconditionnel.

– la prestation de la DIA serait partie « en nature », partie « en monnaie ».

– La partie en monnaie pourrait être partie en monnaie « affectée », partie en « espèces ».

– La partie en monnaie affectée pourrait être partie en « monnaie locale », partie en monnaie « complémentaire »

– De quelle monnaie serait complémentaire la « monnaie complémentaire » ? Une monnaie mondiale – ce qui supposerait une « gouvernance mondiale » – ou une monnaie nationale/régionale ??? (de toute façon, la référence à la souveraineté suppose une « puissance instituante » : que serait des « droits-créances » sans opposabilité ? (lire par exemple : http://www.droitconstitutionnel.org/congresParis/comC8/RapoportTXT.pdf)

– Y a-t-il vraiment une différence entre la « prestation en nature » et la « dotation/revenu en monnaie affectée » ? Quelle différence entre donner un pain (resto du cœur) et acheter un pain avec une monnaie affectée (ticket restaurant) ? On choisit son boulanger ! C’est fondamental. Mais alors, quelle relation entre les boulangers ? Des petits entrepreneurs ou un national bakery service (NBS) ?

L’idée est en fait de s’affranchir de la monnaie et de son influence néfaste sur l’économie et les relations humaines.

– Il s’agit en effet de désencastrer le social de l’économie (Karl Polanyi)

– Il s’agit aussi de priver la monnaie de sa fonction de thésaurisation/spéculation pour la ramener à ses seules fonctions d’évaluation et d’échanges : une monnaie « fondante » – complémentaire comme locale.

– Enfin, articulant Polanyi et Mauss, il s’agit de replacer l’économie dans la « socialité primaire » (Caillé) du donner-rendre-recevoir : ce que Polanyi nommait l’économie dans sa forme « substantive ».

Finalement, pourquoi recourir à l’argent, à une prestation en espèces, si l’on peut atteindre le même objectif en accordant à chaque individu un accès libre et gratuit à certains biens et services jugés essentiels ?

Outre cette remise en cause du pouvoir et des rôles de la monnaie dans notre société – notamment dans sa fonction de réserve de valeur autorisant la spéculation – la dotation inconditionnelle d’autonomie, en s’appuyant sur la force symbolique de la gratuité, présente l’avantage de signifier clairement la propriété collective de certains biens et services et le droit que nous partageons tous sur leur usage. Elle s’inscrit donc dans la droite ligne de la « rente agraire » que proposait Thomas Paine, à la fin du XIXe siècle, au nom de la propriété collective de la terre[2]. Comme l’explique l’économiste Laurent Geffroy se penchant sur La justice agraire de Paine, « la terre, dans son état primitif, est la propriété commune de l’espèce humaine ». Par conséquent, cette propriété « doit donner lieu à une compensation envers tous ceux qui ont été dépouillés de leur héritage naturel »[3]. C’est ce même fondement que semblent reprendre les objecteurs de croissance proposant que chaque individu puisse jouir d’une part minimum des richesses collectives.

– Que signifie « héritage naturel » ? Pourquoi ne distinguer pas entre un droit naturel (=de la nature) et un droit à la nature ; il pourrait ainsi exister un « droit souverain à la nature » qui ne serait pas pour autant un « droit naturel ».

– On retrouverait là la notion de François Huet de « droit au patrimoine » : mais je remets à plus tard cette question des fondements de l’héritage…

– Enfin, je reviens sur l’individu ; et pour ne pas en faire un « atome social » (homo oeconomicus) qui s’agrégerait pour « faire société », ni pour dissoudre l’humain dans une communauté d’appartenance, je trouve intéressante l’idée de Renaut de défendre des « droits individuels à la communauté » (Alter Ego). [question des identités]

Ce système de gratuités soulève cependant de nombreuses interrogations. D’abord, la DIA étant une prestation en nature, ses bénéficiaires ne peuvent pas la « dépenser » à leur guise comme ils pourraient le faire avec un revenu inconditionnel par exemple.

– « dépenser à sa guise » : cela ne va-t-il pas un peu vite en présupposant résolue la question de la légitimité de l’appropriation (la piste de la distinction entre propriété et possession doit être explorée) ?

– de plus, le « à sa guise » ne réduit-il pas la liberté à sa dimension négative d’indépendance vis-à-vis des autres ?

Dès lors, si l’on veut que la dotation inconditionnelle soit « suffisante » pour garantir l’autonomie des individus et leur permettre, sur le modèle du revenu inconditionnel, de se passer d’emploi, il faudrait procéder à une estimation précise de l’ensemble des besoins économiques des individus.

– sur la question des besoins : aux quatre fondamentaux (se nourrir, se loger, éducation et santé), je rajouterais les «besoins » culturels « de haute nécessité ».

– L’intérêt de ce rajout est de refuser une définition strictement sociale (l’homme, animal social) pour penser une définition culturelle de l’humain.

Une fois cette estimation faite, il faudrait ensuite s’accorder sur une manière, convenant à tous, de répondre à ces besoins pour finalement définir les biens et services devant être rendus gratuits.

On voit bien que l’élaboration et le fonctionnement d’une dotation inconditionnelle d’autonomie serait plus complexe que le mécanisme proposé par un revenu inconditionnel qui laisserait chacun gérer seul ses besoins et la réponse qu’il entend leur donner avec la somme qui lui est allouée. Mais après tout est-ce un mal ? Ce processus complexe d’élaboration pourrait en effet être l’occasion de débattre collectivement de nos besoins, du rôle et des limites de l’économie quant aux réponses qu’il convient de leur apporter, et du champ que doivent couvrir les services publics censés fournir les biens et services essentiels[4].

– cela me semble l’argument le plus fort en faveur de la DIA : pour sortir de la centralité de la valeur travail, non seulement redéfinir la question des besoins et de l’utilité sociale des activités pour les produire, mais ajouter au combat pour la décentralité de la valeur travail un combat pour la centralité de la valeur-parole.

– Cette centralité de la valeur-parole (l’échange langagier comme modèle de l’échange plutôt que l’échange monétaire) s’inscrit dans le registre de la décence ordinaire et du sens commun : il faudrait en effet discuter collectivement de nos besoins.

– Ce serait là l’une des modalités de la « démocratie généralisée » de Fotopoulos (où les participants au débat ne seraient pas que les producteurs mais aussi les usagers mais aussi les habitants, où la question ne porterait pas que sur les modes de production mais aussi sur les produits)

C’est en fait une autre étape de l’élaboration de la DIA qui pose problème. En effet, il faudrait sans doute tôt ou tard déterminer quelle quantité des biens et services inclus dans la dotation doit être gratuite. S’il n’y a pas lieu de limiter la quantité de d’information, de formation ou de culture accessible gratuitement, accorder un accès illimité à l’énergie, l’eau ou les transports pourraient entraîner une consommation excessive – d’un point de vue environnementale – de ces biens et services. Il faudrait donc fixer certaines limites à la gratuité.

– le problème en effet se pose pour les biens rivaux (en situation de rareté – dans les « circonstances de la justice » selon Van Parijs)

– d’où d’abord une question dans le registre de la justice : la répartition plus juste doit échapper aux « effets rebonds »

– mais aussi une question de décence : c’est là qu’il n’y a pas de DIA ou de RI sans revenu maximum autorisé.

On peut sans doute, sans trop de difficulté, parvenir à un accord concernant le nombre de kilowatts, de litres ou encore de trajets ou de kilomètres accordés gratuitement à chaque individu, le problème n’est pas là. C’est en fait la connaissance et le contrôle de la situation sociale des individus que nécessitent ces dispositifs qui est problématique. En effet, comment appliquer ces tranches de gratuité sans connaître précisément la composition de chaque foyer ? Outre la complexité du système, cela supposerait surtout une intrusion dans la vie privée des individus que le revenu inconditionnel aurait l’avantage de faire disparaître.

– c’est la plus forte objection.

– D’un côté, on pourrait s’en sortir en arguant qu’il ne s’agit là que d’une revendication libérale d’un droit individuel à l’égoïsme et au caprice.

– D’un autre côté, si c’est pour retomber dans une idéologie du Bien… alors il vaut mieux dans un premier temps, choisir le moindre mal du libéralisme

– Alors la solution n’est-elle pas dans le double refus et du libéralisme et du despotisme éclairé : c’est la voie de G. Orwell telle qu’elle est reformulée par JC Michéa : la voie de la décence ordinaire. Mais concrètement ?

Pour éviter ce problème de contrôle on peut ainsi imaginer un autre dispositif, basé sur une extension du revenu inconditionnel, qui semble tout aussi efficace pour garantir à tous un « droit souverain d’usage » sur les biens et services collectifs. Concrètement, au lieu d’instaurer la gratuité d’une quantité donnée d’eau ou d’énergie par exemple, il suffirait d’allouer à chaque individu une somme équivalant au coût de ces quantités d’eau ou d’énergie. Parallèlement, pour éviter toute consommation excessive de ces biens collectifs précieux, il conviendrait simplement d’augmenter fortement leur prix suivant la logique de gratuité de l’usage et de renchérissement du mésusage développée par le politologue Paul Ariès[5]. Concrètement, le résultat serait identique à celui de la dotation inconditionnelle d’autonomie, le contrôle en moins.

– certes, mais ce serait encore une solution « libérale » : les riches auraient les moyens de payer leur gaspillage et d’acheter des droits à polluer et à gaspiller. L’empreinte écologique moyenne cacherait de fortes inégalités dans les empreintes écologiques individuelles (c’est l’argument classique contre l’utilitarisme du bonheur total moyen)

– La question du « contrôle » est vraiment difficile. Car les travaux de Norbert Elias ont montré qu’une apparence d’absence de contrôle résultait tout simplement d’un surcroît d’auto-contrôle.

– Une société désirable peut-elle être une société out of control ?

– La question devient alors : non pas pour ou contre le « contrôle » mais quel contrôle est socialement utile ? Cela revient à se demander le sens du « lien » : entrave ou partage ?

– C’est là que se montre la nature « symbolique » des liens sociaux, qui ne peuvent se réduire à des « rapports de force » (matérialisme des intérêts de classe) ou à des calculs d’intérêts (la société comme résultante des intérêts individuels agrégés).

Il y a une force symbolique dans la gratuité : « révolutionnaire » selon Ariès. Je préfère la « métamorphose » d’Edgar Morin.

Il y a une critique légitime du mésusage de la monnaie

En définitive, la question est la suivante : la force symbolique de la gratuité et la critique légitime de la monnaie suffisent-elles à justifier l’abandon du revenu inconditionnel et à légitimer l’intrusion dans la vie privée des individus que nécessite la DIA ? On peut raisonnablement en douter, et cela doit nous conduire à préférer le revenu inconditionnel. Ceci étant dit, et même si elle ne doit pas nous conduire à rejeter toute prestation en espèce, la critique de la monnaie à l’origine de la dotation inconditionnelle d’autonomie, mérite d’être entendue. Elle appelle bien sûr des mesures politiques qui dépassent de loin le champ du revenu inconditionnel mais, si l’on souhaite en tenir compte, ce revenu pourrait très bien conserver son caractère monétaire tout en étant versé en monnaie « fondante », non-thésaurisable et n’autorisant donc aucune spéculation. De même, si cette monnaie « fondante » est également « affectée », c’est-à-dire qu’elle ne pourrait être utilisée que dans certains commerces, ou pour payer certains biens et services définis, l’utilisation du revenu inconditionnel par ses bénéficiaires pourrait même être strictement encadrée. L’opportunité d’un tel encadrement n’est pas évidente, mais la possibilité existe et mériterait sans doute d’être débattue.

– c’est à ces conditions, et compte étant tenu de toutes les distinctions que j’ai faite que je ne vois plus très bien la différence entre une DIA (qui serait versée partie en gratuité partie en monnaie) et un RI (qui serait versé partie en monnaie et partie en gratuité).

– Alors certes, il faudrait pour penser cette convergence, décoloniser nos imaginations et repenser et repratiquer la monnaie, les échanges, les liens…

– Surtout la différence entre RI et DIA porterait plus sur la position du curseur pour répartir la part gratuite et la part monétaire ; cette position est d’abord est avant tout question d’opportunisme politique.

– Du RI à la DIA : il n’y aurait deux façons de penser une prestation décente qu’en fonction du momentum politique.

– En passant du RI à la DIA, il s’agirait en fait de passer de la sortie d’une société libérale qui favorise les progrès de l’égoïsme, de l’envie et du désir de réussir aux dépens des autres à la construction d’un « contexte » (non-paresseusement libéral) qui favoriserait indirectement les dispositions à l’égalité, l’entraide, la coopération et l’amitié.

Pour finir, malgré les réserves que nous pouvons émettre à son égard, la dotation inconditionnelle d’autonomie n’a sans doute pas sa place parmi les « faux-amis » du revenu inconditionnel. En effet, si l’on peut rejeter la version libérale du revenu inconditionnel, refuser toute remise en cause de son inconditionnalité, et exclure le recours à un impôt négatif, pourquoi devrions-nous rejeter la gratuité de la santé, de l’information, de la formation ou de la culture ? Toutes ces mesures, incluses dans la DIA, sont souhaitables et auraient incontestablement leur place dans le projet politique de transformation sociale auquel ce livre entend modestement contribuer. On aurait tort cependant de les considérer, dans le cadre d’une DIA, comme une alternative au revenu inconditionnel. Elles en sont le complément au contraire, et vice versa.

– OK pour le complément, OK pour le vice-versa

– Néanmoins : dans l’urgence : OK pour le RI – mais avec une forte composante de gratuité pour l’eau, l’énergie d’habitation, l’école, la santé (NHS en Grande-Bretagne). Le reste en monnaie (en euros au départ puis progressivement en autres monnaies)

– OK aussi pour viser une relocalisation du RI, qui s’appellerait DIA.

Baptiste Mylondo

Michel Lepesant


[1] Plate-forme de l’Association des objecteurs de croissance.

[2] Thomas Paine présente cette idée dans La justice agraire opposée à la loi et le monopole agraire ou Plan d’amélioration du sort des hommes, publié en France en 1797.

[3] GEFFROY Laurent, « A l’origine du revenu garanti : Thomas Paine », dans Multitudes, n°8, avril 2002.

[4] Ne nécessitant pas un tel débat, le revenu inconditionnel pourrait n’apporter à ces questions qu’une réponse collective par agrégation des choix individuels. Une telle réponse n’aurait malheureusement pas le même sens ni la même portée que celle résultant d’une réelle délibération démocratique. Cependant, même si le revenu inconditionnel ne le nécessite pas rien n’empêche d’organiser ce débat malgré tout.

[5] ARIÈS Paul, Le mésusage. Essai sur l’hypercapitalisme, Lyon, Parangon, 2007.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.