Démocratie radicale

La démocratie radicale contre le consensus néolibéral. Entretien avec Chantal Mouffe réalisé par Elke Wagner, publié dans la Revue internationale des livres et des idées, n°3.

http://revuedeslivres.net/articles.php?idArt=103&PHPSESSID=f46ae0a27eee039c5ce1001f6943c0ab

La richesse d’une pensée se mesure à la fécondité de ses concepts et à la hauteur de ses interventions au sein de débats qui ne paraissent interminables que parce qu’ils sont mal posés (il ne s’agit pas de mettre fin brutalement à tout débat qui ne se termine pas mais de savoir ne pas continuer un débat mal posé).

A l’aune de ces deux critères, il faut lire et relire cette interview de Chantal Mouffe. On s’y enrichira :

  • d’un premier concept – celui d’antagonisme – explicitement opposé à la « synthèse dialectique » de la vulgate marxiste : certes la « négativité » est le moteur de l’histoire, mais il n’y a pas de fin de l’histoire. Est ici renvoyée l’illusion d’une fin de l’histoire, illusion partagée tant par l’ultra-socialisme marxiste que par l’ultra-libéralisme. Mieux, cet antagonisme sans fin est LE domaine DU politique !
  • d’un deuxième concept – celui d’hégémonie – qui prend acte d’une telle histoire sans fin pour penser et relativiser la domination aucunement nécessaire du néo-libéralisme. Le capitalisme actuel n’est pas le dernier mot de l’histoire mais juste la réussite d’une hégémonie politique néo-libérale (relire les 6 conclusions du deuxième chapitre de La Dissociété de Jacques Généreux).
  • d’une orientation politique claire : « l’objectif de la gauche devrait être de mettre en place une volonté collective de toutes les forces démocratiques afin de pousser à une radicalisation de la démocratie et d’installer une nouvelle hégémonie ». Non pas donc plus (du tout) de démocratie mais plus (et pas moins) de démocratie !
  • D’une première règle de la méthode : si l’histoire n’a pas de fin, alors il n’existe pas de contradiction inéluctable du capitalisme ; les altermondialistes ne doivent pas plus croire à la convergence magique des mouvements sociaux et des micro-alternatives citoyennes que les marxistes ne doivent continuer à croire que « les capitalistes finiront par nous vendre la corde pour les pendre » ! Si « un autre monde est possible », ce ne sera pas en se reposant sur la nécessité déterminée d’une quelconque urgence, qu’elle soit sociale ou écologique. La solution sera dans la résolution.
  • D’où un premier problème politique fondamental : comment s’organiser dans la reconnaissance de nos différences afin de mettre en place une chaîne d’équivalences entre les différentes luttes ?
  • D’une seconde règle de la méthode : à quelle condition la pluralité de ces différentes luttes ne va-t-elle pas dégénérer en groupuscules tactiquement ennemis (alors qu’ils sont peut-être, quant à leurs « fondamentaux », amis) ? A condition que chaque adversaire reconnaisse la légitimité des revendications différentes des siennes. Chantal Mouffe distingue pour cela entre « antagonisme » (rapport à l’ennemi) et « agonisme (rapport à l’adversaire)».
  • D’où un second problème politique fondamental : comment retrouver une démocratie définie précisément par ce « combat agonistique ». Concrètement pour le « mouvement altermondialiste » : comment faire que sa pluralité cesse d’être facteur de divisions pour devenir faiseur de convergence ? La solution pour Chantal Mouffe ne semble pas passer par le déni du clivage droite-gauche.
  • D’une priorité politique explicite : « En Europe, de nos jours, notre priorité devrait être de raviver la confrontation gauche/droite et de créer les conditions favorables à une démocratie agonistique. Je suis convaincue que cela ne peut être fait qu’à un niveau européen ». Pour le dire explicitement : les élections européennes sont un rendez-vous à ne pas manquer pour le mouvement altermondialiste. Encore faudrait-il ne pas y exposer le spectacle de notre immaturité politique !

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