Analyse de la pratique / Synthèse de la pratique

De retour de Besançon où j’ai pu intervenir à la suite du film In Transition : from oil dependency to local resilience, (http://www.vimeo.com/16000409) , je voudrais revenir sur trois points abordés dans le débat qui a suivi la projection.

  1. Y a-t-il des villes en transition en France ? La réponse est oui. On peut trouver des informations sur deux sites. L’équivalent francophone de http://www.transitionnetwork.org/ est http://www.villesentransition.net/. Et il y a aussi un site français : http://www.transitionfrance.fr/.
  2. Quant à la façon dont la décroissance « fait » de la politique : les nécessaires cohérences entre le fond (l’objection de croissance) et la forme (le rapport au pouvoir, tant en interne qu’en externe). J’y ai défendu la nécessité d’un « moment libertaire » dans l’organisation politique de la décroissance.
  3. Objection quelque peu virulente m’a été faite quand j’ai défendu l’idée que l’action seule était insuffisante et qu’il fallait la compléter par un travail (théorique) de réflexion sur le projet. Il me semble que cette objection relève plus d’un malentendu que d’un réel désaccord.

2. Cohérence, convergence et cohésion.

  • D’un côté, et surtout après le film sur les villes en transition qui aligne tant d’alternatives concrètes et d’expérimentations minoritaires, une question surgit immédiatement : comment mettre tout cela ensemble ? Se posent alors aussitôt les questions de la cohérence du projet des OC et celle de la mise en organisation du mouvement des OC, de sa visibilité politique. Car il s’agit bien d’affronter la question qui se pose sans cesse dès que l’on présente la décroissance : la question de l’impuissance. « Une monnaie locale, et après ? » « Une gestion locale et responsable des déchets, du compost, et après ? » « Une recyclerie, et après ? » « Une coopérative producteurs/consommateurs, et après ? » Etc, etc. Et ces questions sur l’après se formulent souvent en : « comment faire ensemble ? ». Ce sont toutes des questions qui portent sur ce que j’appelle maintenant « le trajet de l’escargot ».
  • Mais d’un autre côté, il faut constater une vraie convergence entre les nouveaux et frais objecteurs de croissance (qui n’ont jamais milité au sens traditionnel mais qui s’impliquent directement dans des initiatives concrètes) et les « vieux militants » (de la gauche, de l’altermondialisme, de l’écologie, etc.) : plus personne ne veut ou ne peut continuer à croire aux vieilles façons de faire de la politique. Et il n’y a pas que les OC qui doivent se poser la question du « faire de la politique en cohérence avec le nouveau paradigme » mais aussi toutes les gauches « anti » : anticapitaliste, antilibérale, antiproductiviste.

3. De la cohérence ; et de la synthèse de la pratique.

Wikipedia ramène l’analyse de la pratique à une simple question : « En quoi suis-je pour quelque chose dans ce qui m’arrive ? ». Certes, c’est là une façon de réfléchir sur la pratique et donc de ne pas couper l’action et la réflexion.

Mais d’une façon générale, ce serait en effet bien insultant de laisser entendre que celui qui est en train d’agir n’est pas en train de réfléchir. Même si trop souvent dans une société de vitesse et de précipitation, le réflexe prend le pas sur la réflexion, l’habitude sur l’habiter…

Alors, en quel sens, faudrait-il ne pas se contenter d’agir mais tenter de compléter par une réflexion ? Car il est indéniable que trop souvent le mot d’ordre de l’action vient couper court à la discussion, à la réflexion : il y a une urgence de l’action qui s’accorde bien mal avec la patience du concept.

Car suffit-il de partager un jardin ou un trajet, une amap, un sel, une monnaie locale et d’en discuter pour prétendre compléter vraiment l’action par la réflexion ? Suffit-il d’analyser sans cesse et en toute conscience pour se croire dispenser d’une autre réflexion ? Celle qui ne se contente pas d’analyser la pratique mais qui pose aussi – et peut-être surtout – la question des tenants et des aboutissants.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Où cela peut-il nous amener ? Vers quoi serait-il souhaitable de commencer à essayer de se diriger ? C’est là qu’il y a besoin de se décentrer et d’abandonner le point de vue analytique pour tenter une  « synthèse de la pratique » : en quoi ne suis-je pour rien dans ce qui est en train d’arriver et en quoi puis-je être quelque chose dans ce qui va arriver ? Sans tracer par avance un programme, en abandonnant tout point de vue de prophète éclairé et éclaireur, il faut commencer à essayer de penser cohérence (des idées) et cohésion (des activivants). C’est là tout un travail intellectuel pour lequel seraient inutiles tous les théoriciens qui seraient sans expérience avec les frottements réels de la réunion, avec la perte de temps, avec l’incompétence, avec le PFH (« putain de facteur humain »), avec la ruse des argumenteurs…

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